Par Andrée O'Neill Le 15 mai, la Ville de Québec a dévoilé sa Vision 2018-2028 pour une saine gestion des matières résiduelles. « Un plan fort, ambitieux », s’est réjouie la responsable des dossiers de l’environnement à la Ville, Suzanne Verreault, au conseil municipal du 22 mai. La Vision 2018-2028 comprend 27 actions réparties en trois « piliers » ou axes d’intervention : cohérence (la Ville doit adopter des pratiques internes responsables et donner l’exemple aux citoyens et citoyennes), responsabilisation (qui consiste en grande partie à sensibiliser la population) et accès au tri (toutes les matières seront visées et les résidents et résidentes, sans exception, auront accès à des infrastructures efficaces. Par exemple, on sait qu’à l’heure actuelle, beaucoup d’immeubles de neuf logements ou moins n’ont pas de gros bac roulant. Québec se donne comme objectif, d’ici dix ans, de détourner de l’incinération ou de l’enfouissement au moins 82 % des matières résiduelles de son territoire, au lieu des 55 % actuels. Pour que ce troisième pilier de l’accès au tri devienne réalité, la Ville projette notamment de moderniser le centre de tri, de doter tous les immeubles sans exception de contenants à gros volume et de construire deux nouveaux écocentres – elle en avait pourtant fermé deux en 2014 –, dont un pour les commerces, institutions et industries. Elle prévoit aussi qu’un des deux nouveaux écocentres sera mobile, ce qui serait à première vue avantageux pour des populations peu motorisées comme celle du quartier Saint-Jean-Baptiste. Quiconque a déjà voulu se départir de matériaux non acceptés dans le bac bleu sait combien les écocentres sont peu accessibles. La Vision 2018-2028 prévoit aussi la construction de l’usine de biométhanisation, dont on parle depuis un bon bout de temps et qui permettrait de valoriser la quasi-totalité des matières putrescibles, et la modernisation de l’incinérateur par l’ajout de deux brûleurs au gaz naturel. Elle se propose également de cesser l’incinération des boues, de réduire l’empreinte carbone des camions de collecte, de valoriser la vapeur produite par l’incinérateur, etc. Mais une grande partie des mesures annoncées dans la Vision 2018-2028 étaient contenues dans le plan de gestion des matières résiduelles de 2004 et n’ont jamais été pleinement mises en œuvre. Si le passé est garant de l’avenir… C’est ce qu’a fait remarquer le Mouvement pour une ville zéro déchet, qui s’est dit plutôt déçu de l’absence de mécanismes de suivi et de reddition de comptes. Et malgré toutes les bonnes intentions de ce plan, si les infrastructures en aval de la récupération et du tri sont inexistantes ou insuffisamment fonctionnelles, s’il n’y a pas de débouchés vraiment écologiques pour les matières que nous trions religieusement, nos gestes quotidiens n’aboutiront qu’à un cul-desac. À titre d’exemple, comme la seule usine de recyclage du verre au Québec a fermé ses portes il y a quelques années, les bouteilles que nous déposons dans notre bac servent maintenant en majeure partie comme matériau de recouvrement dans les sites d’enfouissement ou pour les autoroutes. Pour la cohérence, on repassera. D’autre part, pour ce qui est du volet de la responsabilisation, le mot sensibilisation est omniprésent, mais il ne se dit pas grandchose sur la réduction à la source des matières résiduelles, qui est pourtant justement le pilier essentiel de la consommation responsable. On ne peut pas dire non plus que la Vision 2018-2028 contient quoi que ce soit de bien prometteur pour lutter contre l’obsolescence programmée. L’engagement de la Ville se limite, comme on peut le voir au point C6 du volet Cohérence, à « participer aux démarches gouvernementales concernant l’écoconception des produits et l’élargissement du Programme de responsabilité élargie des producteurs ». Même si les administrations municipales ont en général moins de prise sur le problème très global de l’obsolescence programmée, le volet « sensibilisation » de la Vision 2018-2028 aurait gagné à inclure (rêvons un peu) des politiques et des stratégies qui encouragent la décroissance. Sur ces points, les citoyens et citoyennes ont encore une fois une longueur d’avance sur leurs gouvernements, entre autres avec des initiatives comme le groupe Facebook Touski se répare ou le Mouvement pour une ville de Québec zéro déchet. Souhaitons que les bonnes intentions annoncées dans la Vision 2018-2028 pour une saine gestion des matières résiduelles se traduisent par des actions, mais espérons surtout que ce plan de gestion des matières résiduelles ne serve pas qu’à nous donner bonne conscience.

Vision 2018-2028 pour une saine gestion des matières résiduelles : un plan taillé sur mesure pour donner bonne conscience ?