Par Marie-Ève Duchesne Crédit photo : L'Activiste Il n’y a pas à dire : le G7 à La Malbaie aura suscité beaucoup de questions, de craintes et de colère dans les derniers mois. Petit retour sur les mobilisations et les enjeux entourant ce sommet plus d’une fois critiqué par de nombreux mouvements sociaux. Plus de 1 500 personnes auront manifesté dans les rues de Québec les 7 et 9 juin derniers pour dénoncer l’élite politique et économique rassemblée dans le cadre du Sommet du G7. Notons également que quelques centaines de personnes se seront aussi mobilisées dans le cadre d’une journée de perturbations le 8 juin, donnant lieu à plusieurs coups d’éclat un peu partout dans la ville. Alors que les représentants et représentantes d’État disent vouloir s’entretenir de croissance économique, de création d›emplois, d’égalité des genres et de changements climatiques, les manifestants et manifestantes en ont profité pour réitérer qu’en réalité, les rencontres du G7 servent avant tout à l’organisation mondiale de l’économie en fonction des intérêts des banques ainsi que des industries pétrolières, agroalimentaires, pharmaceutiques, technologiques et de l’armement. Dans les derniers mois, quelques groupes mobilisés contre le G7 à Québec avaient tenté à plusieurs reprises de mettre de l’avant le manque de transparence, la répression politique, la limitation au droit de manifestation, l’absence de démocratie de ce Sommet, les conséquences des politiques néolibérales des pays du G7 sur leur propre population et sur l’ensemble des peuples du monde et les sommes exorbitantes liées à la tenue d’un tel sommet qui auraient pu être investies dans les services publics et les programmes sociaux. Pour le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste, la Coalition Eau Secours et le Regroupement d’éducation populaire en action communautaire de Québec et Chaudière-Appalaches, le G7 n’avait pas lieu d’être puisque les enjeux réels pour une réelle justice sociale étaient déjà connus. Pour ces groupes, il était important d’offrir un contre-discours à cette mascarade en mettant de l’avant six axes auxquels tous les États doivent tout de suite s’attaquer : les enjeux écologistes, l’égalité hommes-femmes, les paradis fiscaux, le racisme systémique, les inégalités sociales et l’autodétermination des peuples autochtones. Des mobilisations sur fond de climat de peur et de répression Les médias de masse n’avaient pas lésiné sur le climat de peur, axant la quasi-totalité de leur couverture médiatique sur les enjeux de « sécurité » liés aux manifestations. Il n’y a pas à dire : on nous promettait l’apocalypse. Toute cette campagne de peur aura contribué à créer un climat malsain, rendant les mobilisations difficiles, où le simple fait de manifester devient un acte de courage. Et que dire de l’appareil répressif mis en place lors de ces trois jours de mobilisations ! La Coalition pour le droit de manifester à Québec s’est d’ailleurs indignée des atteintes graves au droit de manifester qui ont eu cours entre les 7 et 9 juin derniers. En effet, par voie de communiqué, elle a dénoncé avec vigueur le travail policier pendant le Sommet du G7 et s’est indignée de la répression subie par les manifestants et manifestantes. La Coalition s’alarme de la présence massive de l’antiémeute policière, qui a encadré agressivement les manifestations, peu importe si le trajet avait été remis. En effet, le corps policier encadrait de très près les manifestants et manifestantes n’hésitant pas à les bousculer sans aucune raison et allant jusqu’à pousser des personnes dans la manifestation et empêcher quiconque de quitter les lieux. Cette façon de soi-disant prévenir d’éventuels débordements est non seulement antidémocratique, mais extrêmement violente. Il est très clair que ce genre d’intervention visait à décourager la population de s’exprimer publiquement et de manifester. Pour la Coalition, le corps policier a provoqué les personnes qui manifestaient. « On aurait dit qu’ils voulaient que ça dégénère, on ne voit pas d’autre explication. Les manifestants et manifestantes qu’on traite sans hésiter de casseurs ont fait preuve d’une incroyable retenue devant une telle agressivité des forces de l’ordre », s’est indigné Vania Wright-Larin, porte-parole de la Coalition. La Coalition est révoltée de constater que la police emploie ces tactiques d’intimidation, malgré le fait que les organisations aient remis les itinéraires et que la manifestation se déroulait sans incident. « C’est carrément insultant de voir les porte-paroles de la police louanger le travail de leurs collègues sur le terrain. Appeler cette démonstration de force démesurée une réussite illustre parfaitement l’idée que se fait la police de nos droits et libertés. Ce qu’on voyait dans les rues de Québec pendant le G7 était digne d’une dictature. Le droit de manifester n’a pas été respecté, il a été intimidé, injurié, menacé, pourchassé par des dizaines de policiers antiémeutes », a dénoncé le porte-parole. La Coalition dénonce également les arrestations et les détentions injustifiées de 13 personnes. Il est inacceptable que des personnes soient arrêtées par la police et détenues pendant plusieurs jours pour des raisons politiques. Tout ça pourquoi ? Ce sont plus de 600 millions qui auront servi à organiser cette hypocrisie politique. Plus de 600 millions qui auront servi à bâtir une clôture à La Malbaie, construire et déconstruire une prison à Clermont dans Charlevoix, faire vivre une expérience alliant tourisme, gastronomie et innovation aux milliers de journalistes présents, monopoliser des milliers de policiers, policières, décorer des lieux à l’image de marque du Sommet, etc. Tout ça, pour que les dirigeants, dirigeantes des sept pays les plus puissants du monde (le Canada, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Italie, l’Allemagne, la France et le Japon) puissent se rencontrer. Tout ça aussi pour nous produire un communiqué résumant l’état des discussions entre les sept pays*. Une déclaration qui, comme on pouvait s’en douter, démontre l’importance qu’ont pris les discussions sur la « croissance qui profite à tout le monde » ainsi que sur « le monde plus pacifique et plus sûr ». Ainsi, la croissance économique devient une condition fondamentale afin de rehausser les conditions de vie, et la sécurité passe d’abord et avant tout par une lutte au terrorisme. Sur les 28 orientations présentées dans ce communiqué, seulement huit toucheront l’égalité entre les sexes et les changements climatiques. Sans surprise, les résistances des États-Unis face aux changements climatiques apparaissent de façon très claires : on y distingue des orientations portées par six des pays, excluant les États-Unis à deux reprises. L’égalité entre les sexes et l’autonomisation des femmes semble aussi se résumer à trois aspects : réduire les écarts salariaux, soutenir les femmes entrepreneures et reconnaître la valeur des tâches de garde non rémunérées. Le G7 aura fait couler beaucoup d’encre. Le G7 aura aussi coûté cher à la population, tant d’un point de vue économique avec ses dépenses à même les fonds publics qu’en terme de violation de droits fondamentaux, comme celui de manifester ou de vivre sans contrainte (une pensée pour la population de La Malbaie qui en aura été grandement victime). Le prochain Sommet se tiendra en 2019, en France. Mais ne serait-il pas plus que temps de mettre un terme à ces exercices cosmétiques, anti-démocratiques, qui ne servent qu’à nourrir les intérêts des plus puissants pour les plus puissants ? G7, dégage ! * Pour quiconque s’intéresse aux belles phrases bien policées, mais plus souvent qu’autrement vides de sens, la déclaration est disponible en ligne : https://g7.gc.ca

Retour sur le G7 : Entre résistance et répression