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Par Charles-Olivier P. Carrier Un autre été passe sous le drapeau de la juridiction de la « loi anti-Airbnb » sans pourtant que ne ralentisse la propagation de l’hébergement touristique illégal à Québec ou dans le quartier. Alors qu’il y avait, selon le site web insideairbnb.com, 110 logements offerts sur Airbnb en avril 2016, il y en avait 180 en mai dernier et il y en a maintenant 264. Si la loi ne peut rien pour endiguer le problème, peut-être qu’elle permet la légalisation (« régularisation ») de l’utilisation d’Airbnb. Il n’en est rien. Radio-Canada nous apprenait en avril que seulement 141 demandes au ministère du Tourisme avaient été complétées pour de nouvelles attestations d’établissement d’hébergement touristique à Québec. De celles-ci, 54 ont été rejetées, par exemple parce le zonage municipal ne le permet pas, pour seulement 58 octroyées. Le reste des demandes étaient toujours en traitement. Par comparaison, il y avait au même moment 1 913 logements annoncés sur la plateforme d’Airbnb à Québec. Avec la période électorale municipale qui commence, nous avons pensé présenter un petit exposé sur les différentes législations dont les Villes commencent à se doter, que ce soit pour contrer ou pour réguler l’offre touristique de type Airbnb. Airbnb et la loi dans le monde La confrontation La loi québécoise traitant du problème de l’hébergement illégal a parfois été surnommée de « loi anti-Airbnb ». Elle interdit de facto presque tous les logements annoncés sur le site web. Elle oblige effectivement les « hôtes » qui reçoivent des touristes « régulièrement » à contracter une attestation auprès du ministère. Si l’opération est plus facile en région, c’est une autre paire de manches à Montréal et à Québec, où le zonage y est généralement plus restrictif. Par exemple, dans le faubourg, nous le savons, l’hébergement de type Airbnb est virtuellement possible uniquement sur Honoré-Mercier et à certains endroits sur René-Levesque. Pourtant, la législation est facilement contournée et les amendes tardent à arriver. Entretemps, le phénomène prend de l’ampleur. Ce n’est toutefois pas le cas partout dans le monde. Ailleurs, notamment à New York, Barcelone et en Allemagne, certaines Villes ont adopté des lois très similaires. Toutes rendent l’hébergement de type Airbnb tributaire de l’obtention d’un permis. En parallèle, elles promulguent des moratoires sur leur diffusion. Il existe trois distinctions fondamentales entre ce genre de façon de faire et celle du Québec. D’abord, la volonté des législateurs est claire : l’objectif est de purement et simplement interdire Airbnb. Ça se répercute ensuite dans les moyens qu’ils mettent en branle pour appliquer leur règlement. La mairie de Barcelone prévoit employer plus de 100 enquêteurs d’ici la fin de l’année pour traquer les contrevenants. Enfin, les Villes ne s’attaquent pas uniquement aux propriétaires, mais aussi au gros poisson lui-même : Airbnb. Il devient effectivement illégal d’annoncer des logements qui ne disposent pas des attestations nécessaires et les sites, comme Airbnb, qui continuent à le faire s’exposent à des amendes salées. La collaboration De l’autre côté du spectre, nous avons des Villes, comme La Nouvelle-Orléans, Paris, Londres et Amsterdam en tête, qui ont décidé de prendre une voie complètement opposée. J’écris « ont décidé », mais c’est plutôt Airbnb qui a changé sa stratégie politique depuis décembre 2016. L’entreprise a proposé aux Villes une collaboration : la plateforme paie les taxes pour les « hôtes » qui bénéficient des transactions sur le site, elle fournit des informations sur celles-ci à la Ville, elle redirige automatiquement les « hôtes » à leur inscription sur le site vers les instances publiques pour leur enregistrement et, en échange, elle permet/limite les locations à un certain nombre de jours par année (à La Nouvelle-Orléans, 90 ; à Paris, 120 ; à Amsterdam, 60 ; à Londres, 90 ; à Copenhague, 60). De cette façon, elle rentre dans les bonnes grâces de l’opinion publique, elle s’évite des poursuites, et l’ingérence des policiers dans ses affaires. Dans un monde où elle dispose d’un quasi-monopole et d’un capital plus grand que n’importe quelle chaîne d’hôtel au monde, pour Airbnb, ce genre d’entente c’est le beurre et l’argent du beurre. Elle se rend indispensable aux gouvernements du monde entier en devenant l’institution qui vient réguler son propre produit. Que fait-on lorsque l’entreprise décide de ne pas respecter ses engagements (comme ce fut le cas dans le passé) ? D’ailleurs, en plus de se plier devant le modèle d’affaires d’une des plus grosses corporations au monde, ce modèle de législation a le défaut d’être relativement peu flexible. À notre connaissance, il n’est pas encore possible, pour un quartier comme Saint-Jean-Baptiste où les règlements d’aménagement urbain sont passablement compliqués (où les établissements touristiques sont limités à certaines rues, sont contingentés et doivent respecter une certaine distance les uns des autres) d’harmoniser ses lois avec cette proposition sans d’abord les modifier : soit en allant dans le sens de l’interdiction complète, soit en allant dans le sens de l’ouverture complète (selon les termes d’Airbnb). Airbnb et la loi, dans notre cour Et qu’en est-il d’ici ? Ici, il ne semble pas y avoir de modification prévue à la loi par le parti au pouvoir. Au mieux, en août dernier, nous apprenions que Revenu Québec avait conclu un accord avec Airbnb pour que l’entreprise perçoive les taxes sur les transactions effectuées sur sa plateforme et, en avril, qu’Amir Khadir, député de Mercier, une des circonscriptions les plus touchées par le phénomène, allait déposer un projet de loi qui s’inspirait beaucoup de la législation de type collaborationniste (permettant la location à court terme jusqu’à 60 jours sans permis). Consultation publique Au niveau plus local, le débat a été relancé par le conseil de quartier (à la demande de la Ville) lors d’une consultation publique qui s’est tenue le 14 juin. Alors qu’il existe présentement un contingentement dans le quartier et des spécificités sur la rue Saint-Jean, la Ville souhaite ouvrir le zonage et permettre l’utilisation de trois à cinq bâtiments de plus pour du logement touristique, ou même carrément le permettre sur toute la rue (article paru en ligne dans Le Bourdon du faubourg). Moratoire et groupe de travail Plus récemment encore, la Ville annonçait un moratoire pour interdire toute nouvelle résidence de tourisme sur son territoire. De la poudre aux yeux si l’on considère que seulement 7,4 % des annonces des « hôtes » ont tenté de faire une demande. Pire encore, elle a mis sur pied à la fin de septembre un « groupe de travail » dont l’objectif est de trouver un « juste équilibre » entre la vitalité des quartiers du centre-ville et son attrait touristique. Jusqu’ici tout va bien. Sauf que la Ville n’a pas invité les résidentes et résidents du quartier à s’asseoir à cette table. Qui y sera présent ? Les interlocuteurs habituels (bien sûr !) : - Geneviève Marcon, coprésidente de GM développement (promotrice responsable de l’îlot irving, de l’embourgeoisement de Saint-Roch et développeur d’un projet, coin Langelier/Charest, dans lequel serait réservé quelques étages à des « investisseurs » intéressés à y tenir des résidences de tourisme type Airbnb) ; - Robert Mercure, directeur général de l’hôtel Fairmont Le Château Frontenac ; - Daniel Robitaille, Michelle Doré et Jean François Côté, trois propriétaires d’établissements touristiques ; - André Roy, directeur de l’Office du tourisme de Québec ; - Roland Duchesne, locateur Airbnb (!) Comme les citoyens et citoyennes doivent bien avoir une place, ils seront représentés par le président du conseil de quartier du Vieux-Québec. Uniquement le conseil de quartier du Vieux-Québec… Pas le Compop, pas même le Comité citoyen du Vieux-Québec ! Il est révélateur que soient invités : 1) presque seulement des promoteurs ou des acteurs du milieu touristique (et même un locateur Airbnb !) ; et 2) uniquement des acteurs du Vieux-Québec (ou de la Côte-de-Beaupré). On peut déjà deviner l’angle du groupe de travail… Disneyland La Ville refuse de voir que ce sont tous les quartiers centraux qui sont touchés, avec en tête de liste le faubourg Saint-Jean. Certes, Airbnb affecte sans doute « l’industrie » (et par extension le quartier historique). Cependant, si la Ville continue à fermer les yeux devant les effets de l’hébergement touristique illégal sur un quartier résidentiel, bientôt Saint-Jean-Baptiste et le reste du centre-ville ne seront pas différents du Vieux-Québec : un Disneyland en carton-pâte sans commerce de proximité, sans école et sans vie de quartier. Sources citées : Radio-Canada, « La loi anti-Airbnb a peu d’effets », Radio-Canada, 27 avril 2017, en ligne : http://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1030589/la-loi-anti-airbnb-a-peu-eff... Pascaline Lamare, « Plus de bars et une microbrasserie sur Saint-Jean ? », Le Bourdon du faubourg, 15 juin 2017, en ligne : https://bourdonmedia.org/2017/06/15/bientot-plus-de-bars-et-une-microbra...