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Par Colin Laverdure Voilà, c’est fait. Le 10 novembre 2016, le gouvernement a fini par adopter le projet de loi 70, après un an de délibération et de fortes oppositions. Faisant fi des mouvements communautaires et universitaires, 76 députés ont voté en faveur de son adoption, pour seulement 26 contre. La « Loi visant à permettre une meilleure adéquation entre la formation et l’emploi ainsi qu’à favoriser l’intégration en emploi » est donc en place. Au menu, des coupures aux effets dévastateurs pour les nouveaux prestataires d’aide sociale, signées François Blais, ministre de l’Emploi et de la Solidarité sociale… mais qu’en est-il de la solidarité sociale ?
Un an de délibération pour une imbécillité de projet Le projet de loi 70 se traduit par des coupures sur les chèques d’aide sociale des nouveaux demandeurs et demandeuses d’aide de dernier recours, si jamais ils et elles ne répondaient pas aux exigences du programme Objectif emploi. Alors que le chèque de base pour ceux et celles qui n’ont pas de contrainte à l’emploi reconnue officiellement est de seulement 623 $ par mois (un montant profondément ridicule vu le coût de la vie actuel), il passerait à 399 $ s’il y avait des manquements au programme qui, rappelons-le, a été plusieurs fois dénoncé comme étant moyennement efficace. Avec moins de 400 $ par mois, on se demande comment M. Blais veut que les prestataires d’aide sociale puissent se concentrer sur leur « intégration en emploi » : leur projet est plutôt de payer le loyer, de manger, en somme de survivre. Et on voudrait que les personnes les plus pauvres de la société se déplacent pour aller à un programme ? Avec quel argent ? Encore des préjugés sur l’aide sociale Ce ne sont pas toutes les personnes qui sont jugées « aptes au travail » qui le sont réellement. Cela peut être dû à de nombreuses causes très variées, comme l’analphabétisme qui n’est pas reconnu comme une contrainte à l’emploi et bien d’autres. De plus, ce n’est pas parce qu’une personne pourrait retravailler qu’elle peut le faire immédiatement : pensons par exemple aux problèmes de santé physique ou mentale non diagnostiqués, ou à une femme qui quitte une situation de violence conjugale. Peut-être qu’elle aurait besoin d’un petit moment d’ajustement, et non pas d’aller à un programme obligatoire, inadapté à ses besoins, et imposé par la menace. On se sent très à l’aise de juger les situations des autres, mais rappelons-nous que nous ne savons jamais tout. Créons d’abord un programme qui réponde de manière juste, digne et respectueuse aux besoins des personnes assistées sociales, on parlera ensuite du reste. Le simple bons sens vs toutes les recherches universitaires François Blais défend son projet dans un article du Soleil, où il dit : « Le simple bon sens et la recherche internationale indiquent que la façon d'augmenter la participation est de la rendre obligatoire et d'imposer des pénalités aux contrevenants. » Outre l’aspect démagogique de son argumentaire, il prétend que la recherche internationale pense que la participation est liée avec l’obligation ! Que ce soit dans le domaine de la psychologie comportementale, dans les sciences de l’administration ou les études en relation d’aide, on répète depuis longtemps que la participation est davantage suscitée par la motivation, pas par la crainte. L’Ordre des travailleurs sociaux et thérapeutes conjugaux et familiaux du Québec explique dans sa lettre d’appui à la lutte contre le projet de loi 70 : « De si faibles prestations d’aide sociale représentent elles-mêmes une importante contrainte à l’emploi, rendant inabordables les dépenses liées au travail : transport, frais de garde, habillement, repas, etc. » == Extrait du numéro de décembre 2016 du journal l'Infobourg