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Pas étonnant qu’un si beau quartier attire les touristes... (Photo pour fin d’illustration seulement, l’Infobourg n’a aucune indication précise sur la localisation des logements mis en location sur le site Airbnb.) Par Nicolas Lefebvre Legault Un nouvel enjeu fait beaucoup jaser dans le quartier : les logements mis en location sur Airbnb. Après la rénovation urbaine, les couettes et café et la conversion en condos, c’est la nouvelle menace tendance au caractère résidentiel du quartier. Qu’est-ce que Airbnb ? À la base, c’est un site web sur lequel on peut louer une chambre ou un appartement pour une courte période de temps. Théoriquement, il s’agit d’une alternative à l’industrie touristique permettant à monsieur et madame tout le monde de faire un peu de fric (ou d’en économiser). L’ennui, c’est que le phénomène prend de l’ampleur et commence à miner la qualité de vie de bien des gens. Une première rencontre de réflexion a réuni une quinzaine de personnes au Comité populaire le 25 janvier dernier. Le conseil d’administration de l’organisme a pris position le 8 février dans le dossier de l’hébergement touristique illégal de type Airbnb. Le comité revendique l’encadrement de ce type d’activité dans les secteurs touristiques et son interdiction dans les secteurs résidentiels. Dans tous les cas, ces pratiques devraient respecter le contingentement existant pour les couettes et café. Vous avez dit « économie de partage » ? A priori, personne n’a de problème avec le fait de sous-louer son chez-soi pour une courte période de temps. Le problème c’est lorsque cela devient régulier et que des appartements sont retirés du marché locatif et transformés, illégalement, en résidences de tourisme ou appart-hôtels. La plupart des articles sur Airbnb parlent d’« économie de partage » et d’« expérience communautaire » ; c’est le discours officiel de ses partisans et partisanes. Qu’en est-il réellement ? Selon une étude du San Francisco Chronicle, la ville d’origine d’Airbnb, les deux-tiers des usagers et usagères du site louent des appartements qu’ils n’habitent pas et ne rencontrent jamais les touristes qu’ils « hébergent ». À Paris, selon Libération, le site est envahi par les agences immobilières et quelque 2 000 « usagers » offrent plus de dix logements simultanément. Autrement dit, il s’agit de logements qui sont retirés du marché locatif et qui sont transformés en résidences de tourisme au noir. Au moment de faire notre enquête, en janvier, il y avait 83 logements entiers et 34 chambres dans le quartier Saint-Jean-Baptiste annoncés pour des touristes sur Airbnb. Nous avons pu constater qu’il n’y a pas de profil type de locateur. Il y a le cas du propriétaire occupant qui, n’arrivant pas à louer un logement au 1er juillet, le met en location sur Airbnb ; il y a la compagnie à numéro qui achète un édifice, transforme les appartements en condos et les loue sur Airbnb en attendant de les vendre à la pièce ; il y a les propriétaires de condos qui ne les habitent plus et les louent de cette façon. La plupart du temps, la chose est sensée être temporaire mais, comme c’est très payant, le doute est permis. D’ailleurs, une équipe de journalistes de Radio-Canada n’a eu aucune difficulté à trouver un propriétaire acceptant de parler à la caméra et qui disait qu’il faisait trois fois plus d’argent comme ça et qu’il n’avait aucune intention de revenir en arrière. Mine de rien, sous ses habits techno-branchés cools, Airbnb est une entreprise en croissance qui a un chiffre d’affaires de 850 millions $ par année et qui vaut 25,5 milliards $. Le site est présent dans 34 000 villes et accommode 35 millions de voyageurs et voyageuses. À titre de comparaison, le groupe Hilton vaut 27,7 milliards $. Quel est le problème ? Il y a plusieurs problèmes avec l’expansion du phénomène Airbnb. Si on a beaucoup entendu les objections de l’industrie touristique et du gouvernement, ce ne sont pas celles préoccupant les membres du Compop. Avec Airbnb, on contourne allègrement le zonage et un consensus social important sur le fait que le quartier est un quartier résidentiel et que si l’industrie touristique y a une place, elle doit être contrôlée et limitée. Ce qui inquiète les personnes rassemblées le 25 janvier, c’est aussi l’impact que la pratique a sur le tissu social. On n’entretient pas le même genre de lien avec des gens de passage qu’avec des voisins et voisines. La pratique occasionne une perte de qualité de vie (bruit, va-et-vient, sentiment d’insécurité). Ce qui fait la force du quartier, notamment son esprit communautaire et son aspect « village », se trouve diminué en perdant des joueurs et joueuses. Finalement, comme on peut faire beaucoup plus de sous avec Airbnb qu’avec des locataires réguliers, il y a une pression à la hausse sur les loyers. À terme, puisque les revenus que l’on peut tirer d’Airbnb font augmenter la valeur des propriétés et que l’évaluation foncière est basée sur la valeur de revente potentielle des immeubles, la popularité d’Airbnb aura un impact à la hausse sur les taxes de tout le monde comme cela s’est vu dans toutes les villes où le phénomène a pris de l’ampleur. Contre-offensive internationale Un peu partout dans le monde, les villes, la société civile et, il faut bien le dire, l’industrie touristique essaient de s’adapter et de contre-attaquer pour encadrer et contenir le phénomène. Plusieurs raisons amènent les autorités à agir. Certaines mettent de l’avant un discours plutôt économique et fiscal. L’enjeu est alors de ne pas perdre de recettes fiscales et de mettre le site et ses usagers et usagères à égalité avec l’industrie touristique qui, elle, est encadrée et taxée. Plusieurs villes ont introduit des taxes visant le site allant de quelques sous la nuit (0,65 euro à Barcelone) à 14 % de la facture (Portland, Oregon). La plupart exige que les usagers s’inscrivent auprès des autorités locales de tourisme et se fassent accréditer. D’autres villes y vont aussi avec un œil sur la protection du parc de logements locatifs et du caractère résidentiel des quartiers. Barcelone, notamment, a mené une campagne importante pour lutter contre l’hébergement hôtelier illégal en son centre historique. Récemment, la Ville a directement mis Airbnb à l’amende (45 000 $) pour avoir fait la publicité de logements non inscrits au registre de tourisme. Dorénavant, un usager ou une usagère ne pourra offrir plus de deux chambres sur le site, pas plus que quatre mois par an et devra coucher sur place, autrement ça devient de l’hôtellerie. À Paris aussi on tente de protéger les logements : les inspections se multiplient et les amendes sont salées (jusqu’à 40 000 $). Des villes essaient d’encadrer le site, par exemple à San Francisco un usager ou une usagère ne peut mettre une chambre en location plus de 90 jours par an, tandis qu’à New York, le site est forcé de fournir à la Ville les coordonnées des usagers et usagères. Nouvelle loi québécoise En décembre dernier, le gouvernement québécois a adopté une nouvelle loi pour encadrer Airbnb. Elle prévoit que la loi sur l’hébergement touristique s’applique dorénavant aux usagères et usagers réguliers qui devront s’inscrire pour obtenir une attestation touristique et payer une taxe d’hébergement de 3,5 %. Avant de délivrer ladite attestation, le ministère enverra un avis à la municipalité pour l’informer de la demande. Si la demande ne respecte pas le zonage, la municipalité aura 45 jours pour en informer le ministère, auquel cas la demande d’attestation sera refusée. Bref, autant dire que louer des appartements ou des chambres de façon régulière sur Airbnb devient illégal dans le quartier Saint-Jean-Baptiste puisque le zonage ne le permet pas et que le nombre de chambres de couettes et café est contingenté. Des amendes assez salées sont prévues pour les contrevenant-e-s. Il y a toutefois plusieurs problèmes avec la nouvelle législation. Le premier c’est que la notion d’« usager régulier » n’est pas définie. Il faudra le prouver. La ministre ne voulait pas imposer de limite de jours comme à San Francisco parce que les saisons touristiques peuvent être très courtes dans certaines régions de la province. La clef de son discours c’est la notion d’hébergement commercial. C’est à partir du moment où l’hébergement à la Airbnb devient un commerce que les gens doivent s’inscrire. Un autre problème est le peu de moyens de faire appliquer la loi. On ajoute 16 inspecteurs aux deux déjà en poste, mais ça fait quand même seulement 18 inspecteurs pour tout le Québec. Quand on sait que, selon l’Association hôtelière de la région de Québec, il se loue 400 chambres illégalement par soir dans le Vieux-Québec, on peut comprendre que le système reposera essentiellement sur la délation. Finalement, il y a l’attitude de la Ville de Québec qui n’est pas claire. Jusqu’à maintenant, l’administration municipale n’a démontré aucune intention de faire respecter le zonage résidentiel. Lorsque des résidences touristiques illégales sont dénoncées et que l’administration en vient à la conclusion que la plainte est fondée, elle ne fait que changer le compte de taxe pour le faire passer à commercial. Vers un plan d’action Le conseil d’administration du Comité populaire Saint-Jean-Baptiste a adopté le 8 février dernier une ébauche de plan d’action. Dans un premier temps, l’organisme entend mener une campagne d’information et de sensibilisation sur le phénomène Airbnb. Le comité veut aussi rencontrer ses alliés pour leur demander leur appui et interpeler les autorités municipales pour savoir où elles logent. Un comité a été formé pour documenter le phénomène dans le faubourg et pour mener des actions locales (on parle notamment d’une campagne d’affichage). Des actions collectives viendront en temps et lieu. Contactez-nous au 418-522-0454 si vous voulez être tenus au courant et participer à un comité de mobilisation sur la question. === Extrait du numéro de mars 2016 du journal l'Infobourg