Une police politisée?

Depuis le début du mouvement, nous avons pu constater un nombre troublant de comportements policiers pour le moins douteux et dérogatoires. Insultes, mépris et opinions politiques clairement affichées sont devenues monnaie courante. Voici trois cas parmi d’autres.

Le doigt du milieu en Haute-Ville

Isabelle Vallée raconte qu’un policier « lui a fait un finger sans raison » le soir du 28 mai. La scène se passe près du Couche-Tard, derrière le Grand Théâtre de Québec. Mme Vallée se dirige vers son véhicule, la soirée a été mouvementée, il y a eu une arrestation de masse. « J’embarque, je mets ma ceinture et je mets le véhicule en marche », raconte la militante. « Je m’aperçois qu’un véhicule policier est à côté de moi », dit-elle. Pour lui signifier qu’ils voulaient lui parler, les policiers ont actionné les gyrophares. « Je baisse ma vitre et ils me demandent comment était la manifestation. J’ai mon carré rouge et mon macaron de Québec Solidaire. Les arrestations étaient en cours, je lui réponds qu’il le sait surement. Ensuite, il me dit qu’à mon âge, je ne suis surement pas étudiante. Je lui réponds que je suis une grand-mère indignée. Je monte ma vitre et c’est alors que le policier me fait un finger. » Inutile de préciser que Mme Vallée a porté plainte en déontologie policière dès le lendemain.

Une tête de linotte en Basse-Ville

Le soir du 29 mai, Anne-Valérie Lemieux Breton, résidante de la Basse-Ville et salariée du RÉPAC, a été arrêtée sur la rue Saint-Joseph, en face de la bibliothèque Gabrielle-Roy, lors d’un concert de casseroles regroupant une centaine de personnes. « Un policier est sorti en gesticulant et en criant de nous tasser. Je lui ai dit de se calmer. Il avait l’air complètement sorti de ses gonds », raconte Mme Lemieux Breton. L’arrestation est survenue peu de temps après, alors que la militante était dans la rue, à deux pieds du trottoir.

Mme Lemieux Breton raconte : « J’ai été retenue de force sur le char de police, on m’a mis les tiewraps [des menottes en plastique] en direction de la centrale de police. Pendant quelques secondes, j’ai eu peur. […] Mais une charmante discussion s’est vite engagée! Je leur ai reproché les arrestations politiques de masse, les menottes pour des casseroles, la provocation. L’un d’eux a sacré après moi, m’a traité de tête de linotte, de petite cervelle. Il a déversé toute sa haine sur les manifestantes et manifestants, répétant que ce qu’on fait ne sert à rien, que lui est utile à la société, qu’il maintient la paix. »

Anne-Valérie Lemieux Breton a eu deux contraventions, qu’elle va contester.

« Va rejoindre les casseroles »

Madeleine Ménard, retraitée de l’Assemblée nationale, raconte s’être fait apostropher par des policiers le soir du 11 juin. « Je sortais de l’immeuble où j’habite et, en entendant le concert de casseroles, je m’arrête au coin Claire-Fontaine et Saint-Gabriel pour observer ce qui se passe », raconte-t-elle. Mme Ménard poursuit : « Une première auto-patrouille est déjà stationnée près de Saint-Jean et une seconde s’arrête en plein milieu de Claire-Fontaine. Un agent me dit alors d’aller rejoindre les casseroles (du parvis de l’église) et autres inepties en plus de faire semblant de me prendre en photo ». Selon Madeleine Ménard, un couple d’amis retraités a observé la scène et fut estomaqué de l’inconduite des policiers. « J’ai décidé que c’était une bonne idée d’aller rejoindre les casseroles et l’auto-patrouille a dégagé juste au moment où je me suis mise en marche », conclut-elle. Mme Ménard note au passage que « le code de la sécurité routière n’existe que pour la population ».

Des comportements dérogatoires

S’ils sont peu surprenants, ces comportements sont de toute évidence dérogatoires et sont la manifestation d’un corps de police de plus en plus politisé. Or, le code de déontologie policière est très clair : non seulement
« le policier ne doit pas faire usage d’un langage obscène, blasphématoire ou injurieux » – ce qui va de soi –, mais, en plus, « le policier ne doit pas poser des actes ou tenir des propos injurieux fondés sur […] les convictions politiques ». Il serait pertinent que la classe politique et la hiérarchie policière rappellent avec force ce principe de base : la police ne peut pas et ne doit pas être politisée. C’est non seulement anti-démocratique, mais tout simplement illégal.


Un recours efficace ?

Les autorités, notamment le ministre de la sécurité publique, recommandent aux citoyennes et aux citoyens qui se disent lésés par la police de porter plainte en déontologie policière. Or, selon un article de la Presse Canadienne, il s’agit d’un recours inefficace. En effet, une plainte déposée devant le commissaire à la déontologie policière du Québec a six fois plus de chance d’être rejetée que de donner lieu à une enquête. (Cyberpresse, 18 septembre 2011)

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Extrait du numéro d'été 2012 du journal l'Infobourg

Dossier : Ça se passe à côté de chez vous