Un beau programme pour Sainte-Foy?

Un dossier spécial du FRAPRU :
Le logement social dans les écoquartiers : un principe à défendre
Inclusion sociale et mobilité durable : une préoccupation dans Saint-Sauveur
Le PPU du plateau centre : un beau programme pour Sainte-Foy?
L’inclusion obligatoire de logement social
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La Ville de Québec déposera ce printemps son Programme particulier d’urbanisme (PPU) pour le plateau centre de Sainte-Foy. Bien plus que la réfection de la porte d’entrée ouest de la ville, c’est l’avenir et le développement de nombreux sites vacants qui est en jeu. Dans un arrondissement où de nombreux locataires peinent à joindre les deux bouts, ceux-ci risquent encore une fois de voir leur échapper toute chance d’améliorer leurs conditions de vie si la Ville n’oblige pas les promoteurs à laisser une place à la mixité sociale.

Dans une version préliminaire du PPU présentée en novembre dernier à l’occasion du 3e Colloque sur l’innovation , la Ville décrit sa vision du développement pour les 15 prochaines années de ce large territoire qui comprend l’axe des ponts, le secteur Route de l’église-Rochebelle, le boulevard Laurier, l’axe du boulevard Robert-Bourassa et le secteur résidentiel Saint-Denys.

En matière de logement, 7 500 unités d’habitation sont prévues sur l’ensemble du territoire visé. En plus de ceux prévus sur le boulevard Laurier (2 500 unités), la construction d’importants ensembles résidentiels est prévue sur les terrains autour de l’école Rochebelle (environ 1 400 unités) et sur les terrains appartenant à la Défense nationale, au nord du boulevard Hochelaga (environ 1 000 unités projetées). Le PPU prévoit une forte densification, notamment autour de l’axe du boulevard Laurier, où la ville souhaite permettre des immeubles pouvant atteindre jusqu’à 27 étages sur le côté nord.

L’administration Labeaume veut aussi « humaniser » le quartier en améliorant la circulation piétonne et l’accès aux commerces. Le projet de PPU propose un tramway sur Laurier, des trottoirs élargis, davantage de verdure et un mobilier urbain moderne, rejoignant en ce sens les souhaits exprimés par les citoyens et citoyennes.

Quels types de logements seront construits sur le plateau centre de Sainte-Foy? Répondront-ils aux attentes et aux besoins de l’ensemble de ses résidantes et de ses résidants actuels, incluant les ménages à faible et à modeste revenus? Où est-ce que ce sera pour eux le déclencheur de la gentrification du secteur et leur déportation prochaine, loin de leur famille, de leurs amis et de leur réseau d’entraide?

Pendant que les promoteurs parlent d’un nouveau quartier des affaires et annoncent les tours de condos, le maire Labeaume, en entrevue au Soleil, déclarait en novembre dernier « qu’il n’est pas question de mélanger les genres en construisant des logements sociaux sur un boulevard Laurier redessiné ». Le maire ne s’est pas positionné publiquement quant à la construction de logements locatifs et de logements sociaux sur les autres sous-secteurs du PPU.

Pourtant, dans le rapport de consultation sur le PPU, un des enjeux, identifiés par les répondantes et les répondants, est l’augmentation de logements accessibles pour les familles et pour tous les types de revenus (coût des propriétés et des loyers, diversité et taille des logements). Pas étonnant quand on sait que 33 % des locataires du quartier du Plateau, qui fait partie de la zone visée par le PPU, consacrent plus de la norme de 30 % de leur revenu pour se loger. Selon le plus récent Portrait de défavorisation du territoire du CSSS de la Vieille Capitale, 15 % des familles économiques y vivent sous le seuil de faible revenu et le revenu moyen personnel de 31 262 $ est inférieur à celui de l’arrondissement (39 350 $). Ce secteur compte également le plus grand pourcentage de familles monoparentales de l’arrondissement, soit 19,3 % et il s’agit de l’un des 4 quartiers, sur les 35 de la Ville, à avoir accueilli plus de 1 000 immigrants en 2006. Il semble évident pour le FRAPRU et ses membres qu’une forte proportion de logements sociaux de différentes formes (logements coopératifs et sans but lucratif) devra faire partie des plans, surtout qu’en raison de choix politiques passés, très peu de logements sociaux ont été construits dans cet arrondissement.

Les terrains de l’armée convoités

Le secteur résidentiel Saint-Denys, où se trouve le quartier militaire, est dans la mire du Comité logement d’aide aux locataires depuis 10 ans maintenant. Dès 2002, le Comité demandait que les terrains vacants servent à construire des coopératives d’habitation. Depuis, plusieurs représentations ont été faites en ce sens auprès des députés fédéraux successifs.

On sait maintenant que les Forces canadiennes prévoient démolir, d’ici 2013, les vieilles résidences réservées aux familles de militaires. La Ville souhaite y voir s’ériger un nouveau quartier plus dense qui pourrait abriter jusqu’à 1 000 logements, ainsi que des commerces. Les terrains militaires sont très convoités, mais la Défense nationale n’a plus le droit de vendre de gré à gré « ses » terrains — c’est-à-dire des terrains publics — à des promoteurs ou à des municipalités. Si elle décide de se départir des lots du quartier militaire, elle devra vendre ses titres de propriété à la Société immobilière du Canada. Cette dernière pourra alors vendre le terrain aux intéressés, incluant la Ville de Québec.

Pour le FRAPRU, les terrains publics voués à un développement résidentiel ne doivent pas faire l’objet de spéculation et doivent être réservés prioritairement, voire exclusivement, au logement social. Évidemment, cela n’inclut pas les espaces destinés à des parcs ou à des commerces. Pour ce faire, le site devrait être confié (vendu) à une corporation publique ou parapublique dédiée à son développement, comme ce fut le cas pour la première moitié des Shops Angus et pour une partie de Faubourg Québec, à Montréal.

Un autre PPU bientôt à Sillery

En plus du PPU du plateau centre, un autre secteur de l’arrondissement Sainte-Foy-Sillery, celui des onze grandes propriétés des communautés religieuses de Sillery, connues sous le vocable de «propriétés conventuelles», pourrait faire bientôt l’objet d’un programme particulier d’urbanisme, lequel est d’ailleurs annoncé depuis cinq ans.

Cela est très inquiétant quand on sait que ces terrains immenses, abritant espaces naturels et offrant un panorama incomparable sur le fleuve, sont dans la mire des promoteurs immobiliers. Ils sollicitent des changements majeurs de zonage de la part de la Ville, pour rentabiliser leurs investissements futurs. À l’automne 2007, 1 215 logements hauts de gamme étaient projetés par la Ville dans ce secteur aux abords du fleuve Saint-Laurent.

Ces terrains, privés, mais payés en partie par des générations de croyants et de contribuables risquent d’échapper aux citoyennes et citoyens qui pourraient minimalement s’attendre à ce que des accès publics permanents aux espaces verts et aux panoramas soient préservés et que les logements qui s’y construiront ne constituront pas des ghettos pour riches seulement. L’enjeu du développement de grands ensembles à Sillery est qu’une diversité de gens ait accès aux logements qui y seront construits et que la population à faible et modeste revenus ne soit pas oubliée.

Agir rapidement

Plusieurs questions se posent quant à l’avenir des nombreux sites vacants dans l’arrondissement Sainte-Foy-Sillery. Sa population à faible et modeste revenu, dont les 5 315 ménages locataires qui consacrent plus de la norme de 30 % pour se loger, bénéficiera-t-elle de tous les changements promis? Ou en sera-t-elle victime, soumise à des hausses de loyer vertigineuses suivant l’effet inflationniste des nouvelles constructions et à des évictions de locataires? Comment peut-elle être assurée de son maintien dans les lieux sinon que par la construction d’un nombre significatif de logements sociaux, la mettant à l’abri des soubresauts du marché immobilier? Chose certaine, la vigilance citoyenne est de mise. Pour les groupes du FRAPRU, il y a deux incontournables : l’achat et la réserve de terrains pour les futurs projets de coopératives et d’OBNL d’habitation et l’adoption d’un règlement obligeant l’inclusion de ces logements sociaux sur les sites destinés au développement résidentiel.

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Extrait du dossier spécial du FRAPRU «La ville change», publié dans l'édition du printemps 2012 de l'Infobourg.

Le PPU du plateau centre