Un dossier spécial du FRAPRU :
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L’inclusion obligatoire de logement social
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Pour que les promoteurs n’aient pas le gros bout du bâton

Plusieurs projets de développement résidentiel verront le jour à Québec dans les prochaines années. Dans un contexte de spéculation et de rareté de terrains, doublé d’une pénurie de logements locatifs, l’enjeu est de taille : les citoyennes et citoyens à faible et modeste revenus doivent avoir accès à des logements où ils pourront demeurer. La Ville doit s’assurer de la mixité sociale dans ces ensembles résidentiels qui sont l’extension de quartiers existants. L’adoption d’une politique d’inclusion obligatoire de logements sociaux fait partie de la solution.

Les politiques d’inclusion relatives au logement sont des instruments de réglementation utilisés par les gouvernements provinciaux ou les administrations locales pour encourager ou exiger la production de logements « abordables » dans le cadre de l’aménagement d’ensembles résidentiels. Le type d’instrument de politique d’inclusion relative au logement qui est utilisé dépend du palier de gouvernement qui met la politique en œuvre. Un exemple d’application locale de politique d’inclusion est le zonage d’inclusion qui requiert, comme condition d’approbation, qu’un projet d’aménagement comporte un élément particulier souhaité par la municipalité, dans ce cas-ci du logement social. Le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) et ses membres préfèrent de loin ce type de mesure aux primes de densité, connues sous le vocable bonus zoning qui semblent attirer fortement l’administration municipale de Québec. De telles primes sont susceptibles de susciter la contestation des citoyens et des citoyennes puisqu’elles confèrent généralement aux autorités municipales les pleins pouvoirs pour « conclure des ententes » avec les promoteurs.

S’il existait une telle réglementation, les projets d’habitation sociale pourraient plus facilement avoir accès à des terrains qui généralement leur passent sous le nez, parce qu’ils sont trop dispendieux ou qu’ils appartiennent déjà à des promoteurs privés qui peuvent y développer ce qu’ils veulent (ou presque!) On pourrait également éviter la concentration de la richesse et ralentir la gentrification de certains quartiers en garantissant une réelle mixité sociale dans les grands ensembles. Même s’il s’agit d’abord d’une responsabilité des Villes de déterminer les usages des sites en voie de réhabilitation sur leur territoire, le gouvernement québécois pourrait leur faciliter la vie en adoptant les amendements législatifs requis afin qu’elles disposent de tous les outils nécessaires pour obliger l’inclusion de logements sociaux dans les grands ensembles résidentiels.

Un exemple très imparfait : celui de Montréal

Il n’existe aucun exemple de règlement d’inclusion obligatoire actuellement au Québec et dans les faits, le zonage fait l’objet de négociations incessantes entre les pouvoirs municipaux et les promoteurs immobiliers. Mais la Ville de Montréal a adopté en 2005 une Stratégie d’inclusion des logements abordables aux nouveaux projets résidentiels. Elle y incite les promoteurs à inclure, dans leurs grands développements résidentiels (200 logements et plus), 30% de logements sociaux et « abordables ».

Lors des négociations, la Ville utilise son rapport de force pour inviter les propriétaires et les développeurs de grands sites à céder une partie de leurs terrains ou une partie des immeubles qu’ils y auront construits à des projets d’habitation sociale. Afin de susciter leur intérêt, la municipalité leur promet des dérogations de zonage leur permettant de densifier leur projet en construisant plus d’appartements.

Bien que cette politique ait permis réellement à des logements sociaux de voir le jour sur de grands sites, surtout dans des quartiers centraux qui autrement auraient été défavorisés au profit des quartiers périphériques, cette approche non contraignante n’est pas infaillible puisque sa réussite dépend en grande partie de la volonté politique des municipalités de l’appliquer et de leur pouvoir réel d’infléchir les promoteurs privés. Cette stratégie souffre également d’une confusion des genres entre le logement social et le logement dit « abordable » (concept qui peut varier énormément selon les revenus et qui, dans le cas de Montréal, a été gonflé artificiellement pour en venir à inclure même des condos!) Le pourcentage réel de logements sociaux (sous forme de coopératives ou d’OSBL d’habitation) prévu y est donc beaucoup trop bas (15 %). De plus, les promoteurs peuvent obtenir des exemptions à l’inclusion de logements sociaux sur leurs sites – est-ce dire avoir le droit d’exclure? – en versant une compensation financière, dont la somme et l’utilisation ultérieure varient d’un arrondissement à l’autre.

Inquiet autant pour le maintien des populations originaires dans leur quartier que pour la possibilité réelle pour de jeunes familles de s’établir dans les quartiers centraux, le FRAPRU pense quant à lui que ce n’est pas aux promoteurs, mais à la Ville, de définir une vision pour le développement de sites vacants. La solution passe donc par une réglementation municipale obligeant l’inclusion (parfois aussi appelée « zonage d’inclusion ») qui exigerait des promoteurs privés qu’ils incluent un nombre important de logements sociaux dans leurs projets, sans possibilité de dérogation, et que les cibles correspondent au pourcentage de ménages locataires du secteur visé ayant des besoins impérieux de logement.

Des solutions au-delà de l’inclusion

L’inclusion n’est pas une panacée et peut avoir un effet pervers sur le développement de logements sociaux en dehors des grands sites, surtout si les gouvernements supérieurs n’investissement pas suffisamment dans ce type de mesures. Le FRAPRU est d’avis que pour cette raison, les Villes doivent se fixer des objectifs ambitieux de développement de logement social, mais doivent être également proactives dans leurs représentations prébudgétaires auprès des gouvernements supérieurs.

Le développement du logement social doit être facilité partout où il y a des besoins et les Villes doivent se donner différents moyens pour y parvenir. L’inclusion sur des sites privés est une des solutions. Une autre solution, selon le FRAPRU, est de réserver aux projets d’habitation sociale tous les terrains publics destinés à un développement résidentiel. Des exemples réussis existent à Québec : le meilleur est celui de l’îlot Berthelot dans le quartier Saint-Jean-Baptiste. Plutôt que de gérer ses terrains au cas par cas, parfois au coût de longues luttes citoyennes, la Ville doit sans tarder se doter d’une réserve foncière à cette fin.


La révision de la LAU : une occasion à saisir pour encourager l’adoption de politiques d’inclusion

La Ville de Québec prétend parfois que la Loi sur l’aménagement urbain (LAU) ne lui permet pas d’adopter un règlement obligeant l’inclusion, ce qui, selon des urbanistes chevronnés, n’est pas exact. Même si la LAU ne parle pas de logement social, ni de logement abordable, les Villes ont toutes les compétences pour adopter des règlements d’inclusion. Cependant, la révision complète en cours de cette Loi est une occasion pour le gouvernement du Québec de répondre aux différentes interprétations et de clarifier ses pouvoirs en la matière.

Dans l’avant projet de loi déposé en 2010 par le ministère des Affaires municipales, des Régions et de l’Occupation du territoire (MAMROT), le gouvernement a ouvert la possibilité pour les Villes et les MRC de se doter de règlements d’inclusion de logements « abordables » et, le cas échéant, il a fixé l’obligation d’inclusion à tout projet résidentiel de 20 logements et plus. Il a même indiqué de quelle manière devrait être garantie la pérennité des logements « abordables » ainsi réalisés, pour toute leur durée de vie utile. Or, dans le projet de Loi sur l’aménagement durable du territoire et l’urbanisme (LADTU) qui a été présenté en décembre 2011, toute contrainte quant à l’ampleur des projets ciblés par une éventuelle politique d’inclusion et quant à la pérennité des logements abordables ainsi construits a été retirée.

L’inscription de la possibilité d’adopter des règlements d’inclusion est un pas en avant pour inciter les villes à adopter des règles d’inclusion. Pour le FRAPRU et ses membres, la nouvelle Loi devrait aller plus loin et inclure des dispositions facilitant l’adoption par les municipalités de mesures (zonage ou autres) obligeant tout projet résidentiel privé le moindrement important à inclure une part significative de logements sociaux.


Deux revendications centrales

1. Politique d’inclusion

Les groupes membres du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) revendiquent un règlement d’inclusion obligatoire de 30 % de logements sociaux dans les développements immobiliers les moindrements importants sur des sites privés à Québec. Cette politique pourrait prendre la forme d’un zonage d’inclusion.

Pourquoi 30 %? Cette cible a été élaborée à l’origine par le conseil de quartier Saint-Roch pour garantir la mixité sociale atteinte dans ce quartier. Elle a depuis été reprise un peu partout sur le territoire de la ville. Il s’agit d’un juste milieu entre la proportion historique de logements sociaux dans les quartiers centraux et les besoins rencontrés sur le terrain. Cette cible est juste assez ambitieuse pour maintenir l’équilibre au centre-ville et répondre aux besoins des anciennes villes de banlieues.

2. Réserve foncière

Dans un contexte de rareté, les terrains et immeubles de propriété publique qui changent de vocation ne doivent pas être cédés au privé. Les groupes membres du FRAPRU revendiquent la création d’une banque de terrains dédiée au développement du logement social.

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Extrait du dossier spécial du FRAPRU «La ville change» publié dans le dernier no de l'Infobourg.

L’inclusion obligatoire de logement social