Par Mathieu Houle-Courcelles Le débat sur le développement de l’îlot Irving nous fait oublier que deux nouveaux projets de condos sont en train de voir le jour, sans faire trop de bruit, aux limites de Saint-Jean-Baptiste. Sont-ils pour autant mieux intégrés à la trame sociale et architecturale du quartier? Jugez-en par vous-même avec ce rapide portrait de nos futurs voisins. Le groupe Norplex a amorcé cet automne la vente de 82 condos de luxe sur le site de l’Îlot d’Aiguillon, entre les rues d’Aiguillon, Honoré-Mercier et Richelieu. Photo: Nicolas Lefebvre Legault

L’Étoile : « Rayonnez sur Québec » Sur le site de l’ancienne résidence Grande-Allée, entre les rues Claire-Fontaine, Grande-Allée et Turnbull, un groupe d’investisseurs dirigé par le pharmacien Michel Cadrin a érigé un gigantesque projet domiciliaire. Là où autrefois on comptait une centaine de logements à prix modiques, gérés par l’Office municipal d’habitation de Québec (dans ce qui était l’ancien monastère des Sœurs Franciscaines), on retrouve aujourd’hui environ 250 unités de condos. Le prix de la douzaine d’unités toujours en vente nous donne une idée de « l’abordabilité » des logements proposés : de 499 000 $ à 789 000 $, rien de moins! Pour en arriver là, les promoteurs n’ont pas hésité à expulser en 2007 les derniers locataires, prétextant le mauvais état de l’immeuble pour justifier sa démolition. Devant la Régie du logement, les représentants du promoteur ont notamment affirmé que leur projet serait majoritairement composé de logements locatifs et que des ententes pourraient être prises pour loger certains locataires à faible revenu, sans toutefois donner de garanties sérieuses. Quelques années plus tard, on voit bien qu’il n’en n’est rien. Une fois le permis de démolition accordé, les promoteurs sont parvenus à obtenir une modification au zonage afin de pouvoir construire un immeuble de 11 étages sans avoir à obtenir l’aval de la population. De quelle façon? En se servant notamment du Programme particulier d’urbanisme (PPU) de la colline Parlementaire pour arriver à leurs fins. Europa : « Une vue sur le monde » Sur le site de l’îlot d’Aiguillon, entre les rues d’Aiguillon, Honoré-Mercier et Richelieu, le groupe Norplex a amorcé cet automne la vente de 82 condos de luxe. La publicité, racoleuse à souhait, ne fait aucune mention du quartier où habiteront les futurs acheteurs : « Le bâtiment alliant faste et modernité, érigé sur la colline Parlementaire, comprendra 82 condominiums de luxe, mettant à vos pieds l’entrée de la vieille ville, en passant par la place d’Youville, où se trouvent le Capitole et le Palais Montcalm. » À l’évidence, on ne s’adresse pas aux résidants du secteur, mais plutôt à des promeneurs du week-end ou à des touristes de passage qui connaissent bien peu de choses des environs. De toute façon, avec un prix allant de 191 000 $ pour un modeste 3 ½ jusqu’à 795 000 $ pour un 5 ½ au 8e étage, il n’y aura évidemment pas de place pour les 1 200 ménages du Faubourg qui consacrent déjà plus de 50 % de leur revenu pour se loger. Comment le promoteur a-t-il réussi à développer un projet aussi haut et massif, qui occupe, tel un bloc monolithique, tout l’espace disponible? Grâce encore une fois au Programme particulier d’urbanisme (PPU) de la colline Parlementaire! Il faut dire qu’en 2007, le promoteur s’était cassé les dents en consultation publique afin d’obtenir des modifications au zonage sur ce site. Le PPU a de nouveau ouvert la porte à ces changements, sans possibilité de contestation référendaire. L’opposition concertée du Comité populaire et du conseil de quartier lors des consultations publiques entourant le PPU n’y a rien changé : le projet a pu aller de l’avant avec l’appui de l’administration municipale. Aujourd’hui, à part les voisins immédiats, bien peu de gens semblent s’en soucier. Quelles leçons doit-on en tirer? Ces deux projets ont plusieurs choses en commun : de gros investisseurs privés sont parvenus à obtenir des modifications au zonage pour réaliser des immeubles hors-normes, malgré l’opposition de citoyens. Ils vendent des unités trop cher pour le commun des mortels, sans tenir compte des besoins des locataires. Au diable la mixité sociale et la communauté environnante! Le parallèle avec l’îlot Irving est tentant à faire. Si le projet sur ce site fait une large place au logement social et qu’une modulation architecturale est présente, c’est qu’un rapport de force existe sur la modification au zonage. Alors que la municipalité n’a pas de règlement forçant les promoteurs privés à inclure des logements sociaux, le projet de l’îlot Irving est le premier du genre à Québec. Si la demande du promoteur est rejetée lors du référendum, on se retrouvera à la case départ… mais pour combien de temps? Au rythme où vont les choses, rien n’est exclu. Un projet encore plus imposant pourrait même arrive à passer à travers les mailles des consultations publiques… sans logements sociaux. == Extrait du numéro d'hiver 2011 du journal l'Infobourg

Europa et l’Étoile - Condos à gogo