(Crédit photo:  Véronique Laflamme)

Par Gabrielle Verret 

Dans le cadre de la Semaine d’actions et d’occupations de terrains et de bâtiments du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), une vingtaine de militant·e·s de Québec ont occupé le terrain de l’ancienne école Saint-Louis-de-Gonzague et du Foyer Nazareth, propriétés de la Ville de Québec depuis décembre 2023. Durant près de 24 heures, des activités, un panel de discussions, une assemblée des occupant·e·s ainsi qu’un souper communautaire étaient au programme. 

La grande manifestation régionale organisée par le FRAPRU a rassemblé plus d’une centaine de personnes à la place de l’Université-du-Québec. Ayant pour thème La clé, c’est le logement social, plusieurs établissements ont été identifiés sur le parcours de la marche comme des lieux hautement symboliques pour le logement social. Suivant cette logique, la manifestation a bifurqué sur la rue Richelieu, où les militant·e·s se sont empressé·e·s d’installer leur matériel sur le terrain à occuper, sous les applaudissements de la foule. 

Un terrain au potentiel immense pour du logement social 

Acquis pour 8 millions de dollars par la Ville de Québec dans le but « d’améliorer la qualité de vie dans le quartier et d’attirer de nouveaux résidant·e·s », selon le maire Marchand, le terrain de l’ancienne école Saint-Louis-de-Gonzague a le potentiel d’accueillir jusqu’à 150 logements*. En pleine crise du logement, il est impératif que ces logements soient socialisés, en totalité ou en partie. Pour répondre aux besoins les plus criants, la part de logement social dans le parc locatif québécois devrait atteindre 20 % d’ici 2040, ce qui représente environ 1 000 logements sociaux supplémentaires par année à Québec. À ce jour, aucun projet n’a été annoncé publiquement pour ce terrain. 

Les conséquences d’un manque de prévisibilité du provincial 

Alors qu’il est minuit moins une avant le 1er juillet, plusieurs projets portés par la communauté demeurent en attente d’un financement du gouvernement provincial. Bien que la Ville de Québec continue d’acquérir des terrains stratégiques en vue d’y construire du logement social à l’aide de son droit de préemption, l’absence d’un programme dédié ainsi que le manque d’objectifs clairs sur le nombre d’unités à livrer chaque année freinent la concrétisation de ces projets essentiels pour nos quartiers. Le droit de préemption permet à une municipalité d’acheter en priorité un terrain ou un immeuble mis en vente lorsque celui-ci est situé dans une zone désignée à des fins d’intérêt public (logement social, parcs, transport, loisirs). Une fois assujetti, un immeuble peut rester sous ce régime pour une période de 10 ans. Si le bien est mis en vente, la Ville doit être avisée et dispose d’un délai pour exercer son droit d’achat. 

En avril 2024, 2 757 ménages admissibles à un logement social figuraient sur la liste d’attente de l’Office municipal d’habitation de Québec (OMHQ). L’îlot Saint-Vincent-de-Paul, situé sur le parcours de la manifestation qui menait à l’occupation, illustre bien cette impasse. Acquis par la Ville en décembre 2022 pour 12 millions de dollars, ce terrain fait l’objet d’un projet de 150 logements sociaux, incluant un jardin communautaire, un centre de la petite enfance et un parc. Malgré l’appui municipal en février 2024 à un projet sur lequel de nombreux·ses acteurices du milieu de l’habitation sociale et le Compop ont travaillé, le financement gouvernemental tarde à se descendre. Le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste continuera les pressions nécessaires pour la réalisation du projet. 

Un panel qui a suscité l’indignation 

Le panel de discussion avait pour thème Les luttes sociales actuelles pour susciter la solidarité et l’indignation. Celui-ci réunissait Emilia Castro, de la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes, qui a présenté les luttes féministes mondiales ; Jonathan Carmichael, de l’ADDS-QM, qui a dénoncé les injustices et la violence institutionnelles subies par les personnes assistées sociales ; finalement, Chantal Gariépy, de Droit de Cité, qui a témoigné de la précarité vécue par les chambreur·se·s, une population de locataires hautement précarisée. Elle a montré comment celleux-ci sont souvent évincé·e·s illégalement en pleine crise de l’abordabilité, dans une complète indifférence sociale et dans la complaisance du SPVQ. Cette dernière intervention, très poignante, a inspiré une action de solidarité réalisée dimanche le 25 mai par les occupant·e·s. Devant l’ancien bar McFly, les militant·e·s ont installé des panneaux remplis de messages de solidarité pour la douzaine de chambreur·se·s récemment évincé·e·s de manière brutale et illégale de leurs logements, situés au-dessus de l’ancien bar. Cette situation prouve autrement l’importance du logement social, qui est à ce jour le seul moyen de procurer la stabilité résidentielle aux locataires les plus précaires. 

* Ville de Québec, « Des avancées pour l’amélioration de la qualité de vie dans le Vieux-Québec », https://www.ville.quebec.qc.ca/apropos/espace-presse/actualites/fiche_au..., 1er décembre 2023. 

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