Par Marie-Ève Duchesne (d’après la brochure produite par le FRAPRU « Mettre les bouchées doubles – faire progresser la part du logement social au Québec* »)

Pénurie de logements locatifs, flambée des loyers, discrimination, évictions ou reprises malhonnêtes en vue de faire du profit : la crise du logement n’est plus à démontrer. Profitant d’un marché qui leur est favorable, propriétaires, promoteurs et investisseurs immobiliers cherchent à maximiser leurs investissements en usant de stratégies qui multiplient les dénis du droit au logement des locataires. Faute de mécanismes de protection adéquats et d’alternatives, les ménages locataires sont toujours plus nombreux à vivre de l’insécurité résidentielle, dans des logements trop petits, trop chers, insalubres, non accessibles ou non sécuritaires. À l’exception des très nantis, aucun ménage n’est à l’abri. Ceux à faible et modeste revenus sont de plus en plus menacés par le mal-logement, les plus précaires étant à un pépin près de l’itinérance. L’absence de mesures efficaces de contrôle du marché locatif privé et la part insuffisante du logement social (seulement 11 %) au sein du parc locatif font en sorte que la crise du logement continue de prendre de l’ampleur. 

Pourtant, des nouveaux logements, il y a en a ? 

Selon les données recueillies par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL), le taux de logements inoccupés était de 1,8 % en 2024, soit bien en dessous du seuil d’équilibre de 3 %. La pénurie était généralisée à l’ensemble des régions métropolitaines de la province. La SCHL notait également une érosion de l’abordabilité du marché locatif. 

En effet, au-delà de la rareté, les locataires doivent faire face à une crise de l’abordabilité. Depuis les prémisses de la crise du logement en 2018, le loyer moyen a augmenté de 47,2 % au Québec, atteignant 1 119 $ en 2024. 

Non seulement les nouveaux logements qui se construisent sont hors de prix, mais une hausse importante des loyers est observée à chaque changement de locataire. En témoigne la différence impressionnante de loyers entre les logements occupés et ceux disponibles. Toujours selon les chiffres de la SCHL, en 2024, cette différence était de 43,5 % à Montréal (pour la région métropolitaine de recensement – RMR), 42,6 % à Québec (RMR) et de 38,9 % à Gatineau (RMR). Dans ce contexte, trouver un logement vacant à bas loyer relève quasiment du miracle. 

Vers la socialisation du parc locatif 

Pour le FRAPRU, le terme « socialisation » réfère à un processus de progression de la place occupée par le logement social au sein du parc locatif. Il peut être atteint par la construction neuve, par l’acquisition ou l’expropriation de logements locatifs privés ou de maisons de chambres, en vue de leur transformation en logement social. 

En permettant l’accès à un logement décent, sécuritaire et réellement abordable, le logement social représente la formule la plus complète et durable pour assurer le droit au logement. Pour le FRAPRU et les autres regroupements du secteur du logement social et communautaire, afin de répondre aux besoins les plus urgents, le Québec doit doubler la part occupée par le logement social au sein du parc locatif, pour en atteindre au moins 20 % d’ici 15 ans. Son développement doit être assuré par un ou des programmes financés adéquatement, pérennes et dédiés uniquement au logement social. 

Augmenter la part du logement social au sein du parc locatif répond tant aux besoins en termes d’offre que d’abordabilité. La construction de logements sociaux sous différentes formes permet d’agir comme rempart aux crises du logement. En limitant les variations de prix dues à des investissements spéculatifs, le logement social contribue à freiner la spéculation immobilière, à maintenir des loyers plus bas et favorise le maintien des locataires dans leur milieu. 

Retirer des unités du marché locatif privé, pour les socialiser, les protège de la spéculation, tout en assurant une sécurité d’occupation aux locataires. En freinant la spéculation immobilière et la gentrification qui en découle, le logement social contribue à stabiliser les quartiers et à assurer le pouvoir d’achat des locataires sur place. Investir dans le logement social offre ainsi un moyen effectif de réduire les inégalités, de favoriser la mixité sociale et l’amélioration d’un quartier, sans chasser les moins nanti·e·s de leur milieu de vie. 

On se mobilise pour contrer la crise 

Les pressions politiques devront s’accentuer dans les prochains mois et les prochaines années afin que se réalise ce vaste chantier permettant une véritable sortie de crise. C’est dans ce contexte que le Front populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) a lancé en 2023 sa campagne « La clé, c’est le logement social ! ». Une campagne qui vise à talonner le gouvernement caquiste tout au long de son présent mandat jusqu’à obtenir gain de cause. Rappelons déjà que le camp à Québec**, organisé à l’automne 2024, s’inscrivait dans cette campagne. 

Afin de continuer à mettre la pression, les membres du FRAPRU ont voté, lors de l’Assemblée générale de novembre dernier, l’occupation de terrains et de bâtiments dans la semaine du 19 mai 2025. À Québec, c’est le samedi 24 mai que se tiendra une importante journée d’actions. Pour l’occasion, une manifestation régionale débutera à 13 h de la place de l’Université-du-Québec, à l’intersection de la rue de la Couronne et du boulevard Charest. D’autres actions seront également organisées en marge de la semaine du 19 mai. Vous pouvez en être tenu·e au courant en suivant la page Facebook du Comité populaire Saint-Jean- Baptiste : @CompopSJB. 

Comme disait l’autre (l’autre étant l’autrice de cet article) : ce n’est pas demain qu’on va être bien. Mais c’est assurément ensemble, réuni·e·s, mobilisé·e·s qu’on peut se sentir mieux devant l’ampleur des crises qui nous affligent. 

*Pour consulter la brochure : https://www.frapru.qc.ca/wp-content/uploads/2024/12/2024-hiver-Brochure-socialisation.pdf 

** Pour lire un article à ce sujet : https://www.compop.net/content/le-frapru-campe-%C3%A0-qu%C3%A9bec 

La pression monte pour le logement social