Par Fabienne Pion 

À la suite du rassemblement du 15 mars dernier par la Coalition pour le droit de manifester à Québec, dans le cadre de la journée contre la brutalité policière, une discussion collective sur le définancement de la police a eu lieu. Cela a mené à la réalisation que c’était un sujet peu connu de la population générale. De fait, le principe de définancement de la police peut sembler quelque chose d’intense, voire d’extrême. Cependant, considérant que le budget du Service de police de la Ville de Québec (SPVQ) se situe autour de 156 millions de dollars (2024) et qu’à chaque année, il y a une hausse des appels au 911 liés à des enjeux de santé mental, il est important d’avoir une réflexion pour savoir si cela est la façon dont nous voulons investir notre argent collectif. 

Tout d’abord, qu’est-ce que le définancement de la police ? C’est le fait diminuer le budget alloué aux services policiers, pour ensuite réinvestir cet argent dans d’autres aspects de la société, particulièrement les services sociaux. L’idée derrière ce concept est que le développement de ressources de soutien et de prévention, fait par et pour les communautés, a plus de chances de régler les problèmes sociaux qu’une approche punitive. Cependant, il n’existe pas de consensus au niveau du définancement demandé. En effet, les opinions peuvent aller de la simple diminution du budget alloué à la police à son abolition totale. 

Il est d’abord important de comprendre l’origine de cette revendication. Elle débuta aux États-Unis pour dénoncer et lutter contre la violence policière et les injustices du système judiciaire. C’est pendant le mouvement Black Lives Matter (La vie des personnes noires compte) qu’elle fut popularisée et reprise par la suite par plusieurs organisations partout dans le monde, dont au Canada et au Québec. 

Mais pourquoi définancer la police ? N’est-elle pas là pour nous défendre ? La question se pose. Cependant, lorsque nous observons l’impact de la présence policière, la réponse devient plus claire. De fait, le travail de la police n’a généralement rien à voir avec la prévention du crime. Elle a même très peu d’impact sur le crime en général, son rôle étant généralement d’intervenir une fois qu’un crime a été commis. Bien qu’elle permette parfois d’intervenir pour mettre fin au crime, par exemple lors de violences physiques, il est important de questionner la fausse perception qu’une présence policière massive permet de prévenir le crime. De fait, la meilleure manière, qui fut prouvée efficace, pour réellement prévenir la criminalité est d’investir … en prévention ! 

Je vous entends déjà me dire « mais c’est bien beau couper les fonds, mais on coupe quoi ? ». Des groupes, comme la Defund The Police Coalition située à Montréal, se sont questionnés sur le sujet. D’abord, une des choses à diminuer serait l’équipement. En effet, les policier·ère·s sont sur-équipé·e·s plus que jamais : pistolet paralysant (taser), poivre de cayenne, matraques, balles en caoutchouc et armes à feu. Considérant qu’un des rôles principaux du SPVQ est la surveillance du territoire (la sécurité routière et la surveillance lors de grands évènements), il est difficile de comprendre pourquoi une aussi grande quantité d’équipements est nécessaire, particulièrement ceux ayant des conséquences létales. Malheureusement, au moment de l’écriture de cet article, le SPVQ refuse de transmettre les informations concernant le nombre d’interventions durant lesquelles une arme à feu avait dû être utilisée. 

Un autre aspect qui est nécessaire de considérer pour un définancement de la police est la nécessité de décriminaliser plusieurs comportements, particulièrement ceux qui peuvent être considérés comme des « crimes sans victimes ». Les plus connus sont le travail du sexe et la consommation de drogue. 

En effet, l’argent mis dans le contrôle de ces comportements par la police pourrait être réinvesti dans des services de prévention et de réduction des méfaits, comme plus de points de service de consommation supervisée (ce qui permet d’offrir du matériel de consommation neuf et de diminuer les risques d’en retrouver dans les rues) ou plus d’intervenant·e·s sur le terrain. En plus de cela, les coupes budgétaires pourraient permettre un meilleur financement des écoles, du réseau de la santé, des programmes en prévention de la pauvreté, des organismes communautaires, du transport en commun, ou même du logement social. Bref, n’importe quel endroit qui permettrait aux personnes de notre société de vivre mieux. 

Au final, il est évident que nous ne pouvons pas complètement éradiquer la police du jour au lendemain. Par contre, il reste intéressant de se questionner sur la place que la police devrait prendre dans notre ville et dans nos quartiers. Investir dans des services de type « contrôle » plutôt que dans des services de soutien est un choix de société. Est-ce celui que l’on désire faire collectivement ? 

Si cet article vous a donné envie d’en apprendre davantage sur cette idée, je vous invite à lire 1312 raisons d’abolir la police de Gwenola Ricordeau, ainsi que À qui la rue ? Répression policière et mouvements sociaux de Francis Dupuis-Déri. 

Et si plus de police n'était pas la solution ?