Par Vincent Baillargeon

Chili, Hong Kong, Algérie, Liban, France, Catalogne : les rues sont prises d’assaut, les slogans scandés à tue-tête envahissent le quotidien des gens, les confrontations avec les forces de l’ordre sont rendues la norme. Les systèmes en place sont attaqués de toute part. Si chaque mouvement a ses propres revendications et sa propre colère, une trame de fond ressort : le système actuel ne fonctionne plus; nous sommes au bord du gouffre!

La normalité de ces conflits est notre nouvelle réalité, on regarde les nouvelles de l’assassinat du numéro 2 iranien, entre les topos sur les feux en Australie et la « crise » causée par le prince Harry et Meghan Markle: tout va très bien, Madame la Marquise.

Malheureusement ou heureusement, cet aveuglement nous rattrape à la vitesse de la lumière. Si les dernières années ont vu les conflits sociaux, économiques, politiques et climatiques s’accentuer et s’inter-relier, les solutions actuellement proposées par les élites financières et politiques ont démontré leurs limites ainsi que leur inefficacité.

L’échec de la lutte contre le dérèglement climatique

En rappel, l’objectif de l’accord de Paris est de limiter le réchauffement global à 1,5°C par rapport à l’ère préindustrielle. Cependant, les engagements concrets pris jusqu’ici par les 183 pays qui ont ratifié l’accord permettront seulement d’atteindre le tiers des réductions des gaz à effet de serre (GES) nécessaires pour respecter l’objectif. En d’autres mots, l’accord est un échec cuisant.

Rien de nouveau sous le soleil, la dernière Conférence des parties (COP), réunissant les pays signataires de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), a eu lieu à Madrid en décembre 2019 et a été décrite comme une « COP de la honte », n’aboutissant à aucune solution globale pour la situation actuelle.

Malgré le discours des politiciens, le Canada n’est pas le meilleur élève de la classe. Dans un document de 200 pages, déposé par le gouvernement canadien à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques, on apprenait que, selon les pronostics, les GES du Canada ne diminueront que de 10% d’ici 2030. L’objectif du gouvernement fédéral, annoncé d’abord par Stephen Harper puis repris par Justin Trudeau, vise pourtant une diminution de 30% des émissions de GES. La plus grande contradiction du document concerne les émissions du secteur « pétrole et gaz ». En effet, l’industrie des énergies fossiles prévoit augmenter ses émissions de GES de 25% d’ici 10 ans.

Des projets qui ne doivent pas voir le jour

Nous devons voir la vérité en face, nos gouvernements ne règleront pas les différentes crises avec leur façon d’agir. Encore et toujours, notre seule option passe par la mobilisation et l’opposition à certains projets, comme les suivants.

GNL Québec

Projet d’une autre époque qui prévoit un pipeline gazier de 750 km, une usine de liquéfaction du gaz et un terminal maritime d’exportation par super-méthaniers. Le projet, en plus de menacer des milliers de kilomètres de milieux naturels, prévoit générer 8millions de tonnes de GES par année.

Rien pour nous faire aimer GNL Québec : l’Institut de recherche et d’information socioéconomique (IRIS) nous apprenait dans une recherche* que la structure de financement du projet était construite pour éviter les règles fiscales du Québec et que l’investissement provient de sociétés basées dans d’importants paradis fiscaux.

Agrandissement du Port de Québec

L’agrandissement du Port de Québec apportera son lot de problèmes à la population et, plus spécifiquement, à la basse-ville de Québec. Le projet augmentera la pollution atmosphérique qui viendra s’ajouter aux particules nocives déjà présentes en grande quantité dans l’air de Limoilou. Le nombre de camions dans le secteur augmentera drastiquement, ce qui viendra jouer sur la qualité de vie des résidents et résidentes. De plus, le projet viendra mettre en danger des milieux naturels du secteur de la Baie de Beauport

Troisième lien

7 milliards de dollars! Autant d’argent pour détruire des terres agricoles et des milieux naturels, pour augmenter la pollution atmosphérique, pour favoriser l’étalement urbain et aggraver la congestion routière. Un beau projet pour augmenter notre production de GES...

Victoire! Dans sa nouvelle mouture, les voitures pourront arriver plus vite au centre-ville. Il faut croire que le gouvernement n’a pas pensé aux désagréments et inconvénients d’avoir encore plus de voitures pour les citoyens et citoyennes des quartiers centraux...

Collectiviser les luttes

Si notre travail est de s’opposer aux différents projets destructeurs sur notre territoire, il faut évidemment s’inscrire dans des luttes beaucoup plus larges. Pensons simplement aux besoins de solidarité avec la nation Wet’suwet’en qui mène de front la lutte à Coastal GasLink**. Ce projet prévoit la construction d’un gazoduc de 670km reliant la région de Dawson Creek, dans le centre-est de la Colombie-Britannique, aux environs de Kitimat, dans le nord de la côte.

Au contraire des solutions proposées par les élites actuelles, nous nous devons de penser globalement à travers nos actions locales. Les mobilisations se doivent d’inclure des enjeux beaucoup plus grands. Parce que, comprenons bien, il n’est pas question ici de sauver la planète pour les plus riches, mais de repenser nos modes de vies et d’existence. Les luttes pour l’environnement se doivent à tout prix d’inclure des perspectives sociales, féministes, anti- coloniales, et plus encore.

Nous sommes au bord du gouffre, mobilisons-nous!

*Source IRIS : Regards sur la CAQ – Fiche technique « GNL Québec/ Énergie Saguenay – Quelles retombées fiscales? » https://cdn.iris-recherche.qc.ca/uploads/publication/file/FicheCAQ-8-GNL...
**Pour en savoir plus : http://unistoten.camp/

Au bord du gouffre