Crédit photo : Joffrey Floyd Doyon Par Denis Bélanger Au début des années 2000, je croisais régulièrement sur la rue Saint-Jean un jeune homme assez excentrique. Il portait la moustache, avait la chevelure dorée et portait un pantalon tellement décoré de patchs que ça ressemblait à des jambières de cowboy qu’on voit dans de vieux films muets. Après être disparu, il apparaît en colocataire avec mon ami Yorick. En effet, Yorick, qui l’avait hébergé quelques semaines à l’hiver 2004, nous a permis de faire connaissance. Une amitié de 15 ans est née. Ce jeune homme s’appelait Edmé Étienne, il s’est suicidé le 11 février dernier, il avait 33 ans. Il a été longtemps un résident du quartier Saint-Jean-Baptiste. Quand on a fait connaissance, il sortait d’une retraite religieuse, il était loin du poète punk-anarcho-chrétien qu’on a connu par la suite. Même qu’il se destinait à la prêtrise. En quelque sorte, il est devenu prêtre. Simplement, son habillement punk faisait office de costume ecclésiastique, sa bible se composait de ses écrits et ses dessins, et il célébrait sa messe sous forme de récital punk. Bien que je n’aie pas fait partie de ses amis les plus intimes, j’ai eu le privilège de voir évoluer le poète et sa création. Selon mon souvenir, à l’hiver 2005, Edmé donna son tout premier récital en compagnie de Yorick à l’Ébullition, sur Saint-Vallier Ouest (aujourd’hui fermé). Pour moi, le poète Edmé Étienne prit naissance avec Une Saison en enfer d’Arthur Rimbaud en 2008 qu’il récita, avec Michaël Lapointe (Coroner Paradis) en mime, à l’AgitéE. La formation des Anarchiens vers 2010 peaufinait ce que le poète est devenu. Je n’ai vu qu’un seul récital avec les Jesus Crust et ce fut le dernier que j’ai vu. De mémoire, la santé mentale semblait prédominer le sujet de ses poèmes au tout début de sa création pour se reléguer en second plan à partir de 2007 ou 2008. Sa poésie est devenue politique avec le temps. Mais les thèmes de l’amour, de son admiration pour Jésus, de ses amoureuses, de ses amitiés, de croyance envers Dieue (il l’écrivait ainsi) ont été centraux dans son œuvre. Il lui arrivait d’écrire de la poésie en prose, mais il écrivait principalement comme les automatistes: il composait généralement ses poèmes d’un seul jet, il les reformulait rarement. Edmé vivait pour la poésie. Il aimait beaucoup Arthur Rimbaud. Il m’a déjà dit aimer Denis Vanier et Antonin Artaud. Surtout, il aimait les chansons de Georges Brassens et aimait les chanter. Sa maladie lui causait de la douleur et paralysait de plus en plus ses mains. J’imagine qu’Edmé ne pouvait pas se résoudre à vivre sans pouvoir écrire et, surtout, dessiner. Il a préféré mettre fin à ses jours. Edmé m’a fait rencontrer des personnes extraordinaires. Nous avons passé de bons moments ensemble. Il laisse en deuil ses amiEs, le monde de la poésie, sa famille et sa filleule qu’il aimait tant. Par automatisme, je l’ai toujours appelé Étienne, bien qu’il exigeait de se faire appeler Edmé mais il ne m’a jamais repris.

OI ! EDMÉ