Par Keven Bisson, étudiant en philosophie Crédit photo: Réal Michaud Depuis quelques semaines, vous entendez peut-être parler de la lutte pour la rémunération des stages. En effet, les manifestations et les grèves étudiantes risquent d’être de plus en plus présentes dans les médias. Toutefois, l’apparition soudaine de cette lutte sur la place publique cache quelques années de demandes d’actions de la part du gouvernement. Des demandes qui n’ont pas été entendues. Pour nous mettre en contexte, dans les programmes d’études professionnelles, au CÉGEP et à l’université, un des moyens utilisés pour former à l’emploi est le stage, c’est-à-dire un temps d’apprentissage pratique dans un milieu de travail. Durant cette partie de leur formation, les stagiaires effectuent des tâches et remplissent des fonctions qui servent à l’entreprise ou à l’organisme dans lequel ils ou elles font leur stage. Selon celui-ci soit rémunéré. Le mouvement pour la rénumération des stages promeut trois valeurs: la justice sociale, l’inclusion et la protection des étudiants et des étudiantes. Certains stages sont rémunérés. Cependant, la rémunération pour certains stages et l’absence de rémunération pour d’autres créent des injustices sociales selon deux axes: le domaine d’étude et le sexe. D’un côté, les sciences humaines et sociales, incluant notamment le service social, l’enseignement, l’histoire et la philosophie, sont les grandes laissées-pour-compte. En effet, elles sont souvent considérées comme des sciences de second ordre, car elles sont perçues comme ayant un rôle moins actif dans le secteur de la production. Elles concentrent plutôt leurs activités dans le secteur des services. Or, ce n’est pas parce qu’un stage vise le secteur des services que ce stage devient un service au sens «d’aide gratuite». Les stagiaires en sciences humaines et sociales effectuent un travail au même titre que les stagiaires des autres branches d’étude, ce qui mérite un traitement égal. De l’autre côté, et en lien avec ce premier axe, les sciences humaines et sociales sont généralement représentées de façon plus importante par des femmes que par des hommes. En effet, 74% des personnes accomplisant des stages non rémunérés sont des femmes et la majorité d’entre elles sont en sciences humaines et sociales. Ainsi, le thème récurrent du travail non rémunéré des femmes est également présent ; il est un fait saillant, et il pointe une disparité dans la rémunération des stages. Par ailleurs, la rémunération de tous les stages amènerait une plus grande inclusion des personnes désirant étudier. En effet, nous devons tenir compte du fait que certaines personnes doivent travailler durant leurs études. Si travailler et étudier est un défi lors des sessions avec des cours en classe, durant les stages, il est beaucoup plus difficile de gérer les horaires de travail, car les heures de stage et de travail sont souvent les mêmes. Donc, un stage rémunéré permettrait à ces personnes d’avoir un accès plus grand à la formation. le mouvement, il serait donc légitime que, comme tout travail. Finalement, le statut des personnes en stage non rémunéré est problématique. En effet, lors d’un stage non rémunéré, la personne n’est pas sous la protection des lois du travail, car elle n’a pas le statut de travailleur ou de travailleuse, ce qui peut entraîner certains trous de services. La rémunération de tous les stages permettrait d’offrir cette couverture en donnant le statut de travailleur ou de travailleuse aux stagiaires. Les questions les plus fréquentes Plusieurs milieux de stages dans les sciences humaines et sociales sont de petits organismes communautaires ou des organismes au budget limité. Est-il possible que le fait de devoir payer des stagiaires amène ces organismes à ne plus pouvoir offrir de milieu de stage, compte tenu de leur budget limité? La demande est que la rémunération des stages se fasse par le gouvernement du Québec. Les petits organismes ne seraient donc évidemment pas pénalisés. Pourquoi ce coût doit-il être assumé par le gouvernement? La plupart des stages non rémunérés sont dans la fonction publique et ces stages formeront des personnes qui travailleront dans cette fonction publique : les enseignantes et enseignants, les infirmières et infirmiers, les travailleuses et travailleurs sociaux, etc. Donc, tout comme il est légitime que les entreprises paient la formation des personnes qu’elles emploieront, il est normal que ce soit le gouvernement qui paie les stages. N’est-ce pas un peu exagéré de demander à être payé durant sa formation? Ce qui est demandé par le mouvement est que ce soit le travail effectué qui soit rémunéré, et non toute la période de formation en stage. Par exemple, lorsqu’une personne fait son stage en enseignement et fait de l’observation, cela n’est pas considéré comme du travail, c’est de la formation au même titre qu’assister à un cours. En revanche, lorsque le ou la stagiaire fait de la correction, cela est du travail, et c’est cette partie qui est demandée à être rémunérée. La lutte pour la rémunération des stages vise à améliorer la justice sociale pour les personnes étudiant en sciences humaines et sociales et les femmes, tout en permettant l’inclusion des personnes devant travailler durant leurs études. De plus, elle offrirait une protection minimale aux personnes en stage. D’un autre côté, les stages rémunérés ne pénaliseront pas les petits organismes et permettront au gouvernement de prendre ses responsabilités. Finalement, ce qui est demandé est que le travail soit rémunéré et non le stage en entier, ce qui nous semble être une demande raisonnable, laquelle justifie de mettre des moyens de pression sur le gouvernement pour amener un changement.

LA LUTTE POUR LA RÉMUNÉRATION DES STAGES