Par Yves Gauthier Crédit photo: Yves Gautier Pour la troisième année consécutive, le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste avait convié, le 28 octobre, les résidents et résidentes du quartier à un concert gratuit en guise d’appréciation pour leur support reçu au cours des douze derniers mois. Pour l’occasion, deux jeunes musiciens de grand talent avaient été invités à offrir un programme musical de leur cru. En collaboration avec les Rendez-vous Classiques cette soirée a été organisée et c’est à la salle de concert Arquemuse que tous et toutes se sont retrouvés. Et quelle belle soirée en cette journée enneigée, sous un ciel malcommode! La salle Arquemuse, par son cachet intimiste et chaleureux et par son programme musical judicieux, aura fait oublier pendant deux heures les aléas d’un climat maussade. Bruce Gaulin au piano et Louis-Solem Pérot au violoncelle se sont donnés entièrement et leur générosité sur scène a été accueillie avec beaucoup d’enthousiasme par une salle quasiment remplie à capacité. En un mot comme en cent, une soirée formidable à tout point de vue! Même si c’est le violoncelle qui était à l’honneur, soulignons tout de suite le jeu subtil de Bruce Gaulin au piano. Un accompagnement tout en douceur, propice à mettre en valeur le son unique du violoncelle. Mentionnons aussi l’acoustique parfaite de la salle Arquemuse, qui met en valeur les efforts des musiciens. Le choix des pièces a été fait par le violoncelliste, qui a bien voulu partager son bonheur de jouer de son instrument en interprétant avec beaucoup d’émotion des œvres de très grands compositeurs, en commençant par Robert Schumann et sa pièce pour violoncelle préférée, Fantasiestücke opus 73 (pour violoncelle et piano). Et son intérêt pour ce morceau de choix transpirait dans son interprétation, par ailleurs fort appréciée. Évidemment que l’incontournable Jean-Sébastien Bach allait faire une incursion dans le programme. Bach qui, selon Louis- Solem, aurait officialisé le fait que le violoncelle pouvait aussi être joué en solo. C’est donc avec une Allemande et une gigue tirées de la Troisième suite en do majeur que le concert s’est continué. Et de belle façon. Avec le côté un peu austère de la musique de Bach, c’était comme une incursion dans l’histoire lointaine. L’immense Ludwig Van Beethoven se devait de faire partie du programme. Et il est entré par la grande porte avec une interprétation des deux premiers mouvements de la Sonate pour piano et violoncelle no 3 opus 69 en la majeur (Allegro ma non tanto et Scherzo). Une époustouflante prestation des deux musiciens. Rien de moins. Une connivence de tous les instants. Une pièce remarquable jouée avec intensité et brio. Les deux mouvements apportent des couleurs uniques et des tempi parfois surprenants, qui amènent le spectateur sur le bout de son siège et souvent dans des au-delà jamais encore visités. À couper le souffle. Camille Saint-Saëns a été invité à terminer la première partie avec Le Cygne, tiré du Carnaval des animaux que tous ont apprécié au plus haut point. Et c’est encore avec beaucoup de douceur et de tendresse que cette œuvre a été déposée dans les âmes des spectateurs. C’est avec une pièce attribuée à un compositeur plus ou moins mystérieux, connu des exégètes de la musique mais nouveau pour le commun des amateurs, Tomasso Albinoni, qu’a débuté la deuxième partie de la soirée. Et quelle découverte! Un Adagio pour violoncelle solo, qui brasse les émotions jusqu’au trognon, du début à la fin, avec un petit accent gitan en arrière plan. Une importante découverte. Après cet émouvant morceau, c’est au tour du « prêtre roux » d’entrer en scène. Antonio Vivaldi est connu principalement pour ces Saisons. Mais il nous a laissé une Sonate en la mineur pour violoncelle et basse continue, qu’il est intéressant de connaître. Un tempo solennel dans le premier mouvement, lent et sans fioritures, un tempo beaucoup plus vif et cadencé dans le deuxième, un troisième mouvement langoureux satiété et, enfin, un quatrième mouvement endiablé qui nous fait frétiller sur nos sièges. À réentendre absolument. Le Québec étant dans un pays nordique, il était quelque peu normal qu’un compositeur d’un autre pays nordique, la Norvège, fasse une incursion dans le répertoire de Louis- Solem Pérot. Edvard Grieg, un romantique impénitent du 19e siècle, s’est aussi intéressé au folklore local. Mais c’est à une œuvre altière que nous avons eu droit. Le deuxième mouvement de la Sonate en la mineur pour violoncelle et piano opus 36 (Andante molto tranquillo) « nous transporte au sommet d’un glacier tout en rêvant à un feu de cheminée », selon les mots de Louis-Solem. C’est donc avec cette image en tête que nous avons été séduits par cette musique évocatrice. En conclusion, dans un registre plus moderne mais pas en porte-à-faux avec le reste du concert, Hallelujah de Leonard Cohen et Imagine des Beatles. Deux mélodies qui ont marqué l’histoire et qui sont bien gravées dans nos mémoires. Louis-Solem Pérot, accompagné de Bruce Gaulin, nous a fait faire un voyage musical qu’il a lui-même fait, tout en partageant sans restrictions son amour pour le violoncelle. Merci au Comité populaire Saint-Jean-Baptiste d’offrir une telle soirée. À l’an prochain! Une mention spéciale aux cinq jeunes enfants qui se sont comportés comme des grands durant tout le concert. Bravo aux parents de les initier si tôt à la musique classique.

Un tsunami de sensibilité musicale