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Par Marie-Ève Duchesne C’est le 17 mai 2018 qu’un incendie se déclarait dans le garage situé au sous-sol de l’édifice bien connu du quartier Saint-Jean-Baptiste: Le Séjour. Situé sur la rue Saint-Jean, cet édifice de neuf étages comptait 135 logements, alternant du studio au 3 1⁄2. Ce sont donc, au total, 135 ménages qui se sont retrouvés à la rue, du jour au lendemain, la fumée ayant causé d’importants dommages partout dans l’édifice. Rapidement, des groupes comme le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste (Compop) et le Bureau d’animation et information logement (BAIL) ont été impliqués dans ce dossier, recevant de nombreux locataires ne sachant pas vers qui se tourner. Pris en charge par la Croix-Rouge pour les premières 72 heures, les locataires ont été laissés à eux-mêmes pour la suite des choses. À ce jour, les locataires n’ont toujours pas pu réintégrer leur logement et ne pourront pas le faire avant un bon bout de temps, les travaux devant s’étaler sur une période allant de sept mois à un an. Certaines versions vont même jusqu’à deux ans de travaux. Cinq mois après le sinistre, L’Infobourg souhaite revenir sur cet évènement par le biais de témoignages de locataires évincés par la force des choses. L’histoire de Mélanie* Mélanie est locataire au Séjour depuis maintenant quatorze ans. Elle trouvait dans son logement un environnement qui lui correspondait bien : sur un étage tranquille, dans un quartier qu’elle avait choisi depuis son arrivée à Québec, avec un logement pas trop cher lui permettant d’avoir d’autres projets de vie. Lors de l’incendie, Mélanie n’était pas présente sur les lieux. Elle est allée rejoindre les autres personnes sinistrées en soirée, après son travail. Au début, les informations reçues laissaient présupposer que les dommages n’étaient que de l’ordre du nettoyage et ne prendraient que quelques jours. Le lendemain, quand elle a pu passer cinq minutes dans son logement pour prendre ses effets personnels, elle était même encouragée puisque son logement ne semblait pas trop endommagé. Puis, les informations ont commencé à se préciser et ce fut le choc. En effet, tout le monde devait quitter pour une période de six mois à un an, peut-être même plus. Mélanie, comme plusieurs, a donc dû vivre le stress de la course au logement et toutes les tensions causées par les conditions difficiles du déménagement. En effet, le propriétaire n’ayant pas engagé de ressources suffisantes, les locataires ont eu beaucoup de difficultés à avoir accès à leur logement : les horaires changeaient, les heures étaient limitées. Pour la suite des choses, Mélanie pense qu’elle aura un deuil à faire. Le logement sera-t-il le même ? Les rénovations seront- elles faites correctement ? Et combien ce dernier va-t-il lui coûter ? Néanmoins, elle désire y rester puisqu’elle y vivait bien avant ce nouveau propriétaire qui lui semble plutôt négligent. Elle considère avoir le droit d’être là, de vivre dans le quartier qu’elle aime. L’histoire de Christian Christian, quant à lui, demeurait au Séjour depuis quatre ans. Bien que l’édifice lui semblait vétuste et négligé par les propriétaires, il aimait y avoir un pied-à-terre pas dispendieux dans un quartier reflétant bien ses valeurs d’ouverture, d’accueil et de solidarité. Christian a trouvé la situation difficile et très stressante, car il n’avait pas d’assurances. Il était présent au moment de l’incendie et considère avoir eu beaucoup de chance dans sa malchance. La Croix-Rouge a fait un travail incroyable pour les aider et sa famille l’a hébergé et aidé à se trouver un nouveau logis. Il souligne aussi le travail du Comité populaire Saint-Jean- Baptiste pour le soutien apporté dans ses démarches. Christian est très satisfait d’avoir pu se reloger dans le Vieux- Québec, tout près de son ancienne adresse et espère que ses anciens voisins et ses anciennes voisines auront autant de chance que lui. Il vit beaucoup moins d’angoisses maintenant qu’il a obtenu une subvention de l’Office municipal d’habitation de Québec (OMHQ). Il se dit très optimiste pour la suite des choses. L’histoire de Pierre* Depuis trois ans environ, Pierre demeurait au Séjour. Il a toujours aimé vivre dans le quartier Saint-Jean-Baptiste et trouvait le lieu correct. Avec le changement de propriétaire dans les dernières années, Pierre trouvait cependant la situation un peu plus difficile : les hausses de loyer étaient exagérées, la sélection des voisins et des voisines ne se faisait plus comme avant, amenant des relations plus difficiles, et la gestion de l’immeuble laissait à désirer. Le sinistre a été très difficile pour lui. Il a été affecté tant au niveau financier que psychologique. Il considère avoir vécu des pertes importantes. Il a bien reçu une compensation de l’assurance du propriétaire, mais cette compensation a disparu principalement dans les frais de nourriture pendant son hébergement temporaire chez un ami. Il sent qu’il s’est fait acheter par la compagnie d’assurance, puisque aucune copie de l’entente signée ne lui a été remise et qu’il n’a pas de recours. Heureusement, Pierre a trouvé un nouvel endroit pour vivre. Les démarches ont été nombreuses, mais il voit l’avenir de façon positive. Et la suite ? Bien sûr, le Compop gardera un œil sur la suite des choses pour le Séjour. Tout comme les locataires l’ont exprimé, certaines craintes demeurent quant à d’éventuelles modifications aux divisions actuelles (en faire des logements plus grands ou plus petits) ou aux coûts qui seront refilés aux locataires par des hausses de loyer. En effet, si les logements du Séjour ne deviennent plus accessibles financièrement pour une grande partie des locataires, ce sont de nombreux ménages à faible revenu qui devront quitter définitivement l’édifice. Comme le dit le dicton, parfois, le malheur des uns, fait le bonheur des autres et il ne faudrait pas que l’appât du gain des propriétaires actuels soit la seule motivation dans le projet de rénovation. Qu’adviendra-t-il du Séjour et des 135 locataires qui y ont habité jusqu’au 17 mai dernier ? La question demeure. Mais il est de mise de souhaiter fortement que le dénouement soit le plus heureux possible pour ces personnes qui ont déjà dû vivre le traumatisme d’être déraciné brutalement un jeudi en fin de journée. * Certaines personnes ont un prénom fictif puisqu’elles désirent garder l’anonymat.