Par Charles-Olivier P. Carrier

L’édition de mai de votre Infobourg sera la dernière édition du journal avant l’élection générale du 3 octobre. L’équipe de L’Infobourg a donc pensé qu’il serait intéressant de revenir sur le bilan du présent gouvernement.

Une gestion paternaliste de la pandémie

Inévitablement, l’élément principal qu’on retiendra des quatre dernières années est l’apparition, au milieu du mandat, de la pandémie de COVID-19. À ce titre, si le gouvernement Legault ne s’est pas vraiment démarqué du reste de la tendance occidentale en matière de mesures de confinement, en revanche, son paternalisme presque pastoral ne marquera pas que les mémoires. Avec le projet de loi 28, présenté le 16 mars dernier, le gouvernement s’obstine effectivement à étendre l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 31 décembre 2022. Si ce projet de loi est adopté avant la fin de la législature – ce qui paraît de moins en moins certains –, les mesures qu’il introduira permettront entre autres au gouvernement de prolonger sur une période de cinq ans des contrats obtenus sans appel d’offres, mettant ainsi à mal des institutions au fondement de la démocratie représentative. Pire encore, si le projet de loi est adopté d’ici la fin de la législature, le gouvernement évitera par le fait même d’avoir à expliquer les actions qu’il a prises sous l’état d’urgence. En temps « normal », les mesures d’état d’urgence prévoient une rétroaction et un certain retour et responsabilisation du gouvernement. Il ne sera donc pas possible, par exemple, d’exiger une commission d’enquête sur la gestion des CHSLD.

Un autre gouvernement néolibéral

On le sait, le néolibéralisme n’est pas nécessairement synonyme d’un amincissement de l’État, mais peut plutôt être caractérisé comme une redéfinition du rôle de ce dernier, soit en un mot : sa soumission au marché. Le dernier budget tout comme la plupart des mesures de ce gouvernement dans à peu près tous les domaines en confirment les tendances lourdes. Si l’exemple le plus patent et le plus frais est le don de 500 $ – laissant porter la responsabilité de l’inflation sur le dos des individus – dans des domaines aussi variés que l’environnement, la santé et le logement par exemple, ces mesures seront autrement plus néfastes à long terme.

Environnement

Les élites politiques occidentales ne peuvent plus faire la sourde oreille face aux déréglements climatiques. Les caquistes ne font pas exception et ont choisi de faire face au problème surtout par l’entremise du financement de l’électrification des transports automobiles individuels. L’objectif n’est donc pas de changer les habitudes de déplacement ou de consommation – des changements structurels – mais de s’assurer que les voitures à essence soient remplacées par des voitures électriques. De façon assez cohérente alors, si d’un côté le gouvernement a interdit l’exploitation du pétrole de schiste dans un contexte où il n’était de toute façon pas rentable, il a de l’autre côté assoupli ses normes de nickel dans l’air pour faire plaisir à l’industrie de l’automobile électrique (le nickel étant un élément primordial de la construction de batterie électrique). Il a aussi continué d’encourager l’industrie extractiviste sur le territoire alors que, cerise sur le sundae, le ministre de la Forêt a même eu le culot de blâmer les autochtones pour la quasi disparition du caribou forestier dans l’est du Québec.

Santé

Une autre législature, entrecoupée d’une crise sanitaire qui aurait entre autres montré les faiblesses du système et en particulier de la gestion actuelle des CHSLD, et on nous prévoit, encore une fois, une autre refonte du système de santé. Après les réformes Couillard, Bolduc et Barrette, voilà Christian Dubé qui propose de refonder le système de santé d’un côté, avec une série de mesures essentiellement consensuelles (comme l’abolition du temps supplémentaire obligatoire et la décentralisation) et, de l’autre, avec une plus grande part du privé. Le gouvernement profite ainsi du coup de massue de la pandémie dans un système de santé déjà fragilisé par les réformes à répétition et les coupes dans les services publics pour créer un système à deux vitesses où les mieux nanti·e·s, encore une fois, sortiront gagnant·e·s.

Logements sociaux

Finalement, en matière de logement, le gouvernement Legault a fini, ultimement, par couper le financement au dernier programme provincial permettant la construction de nouveaux logements sociaux au Québec : AccèsLogis. Pourtant, ce n’est pas un secret pour personne, à peu près toutes les municipalités de la province sont affectées par des crises du logement sous une forme ou une autre. En septembre 2021, le gouvernement a donc annoncé un nouveau programme (« Programme d’habitation abordable Québec » ou PHAQ), par lequel on accordera des subventions à des promoteurs promettant la construction de « logements abordables », c’est-à-dire sous le prix moyen du marché. Si des réinvestissements sont prévus par le dernier budget, ils se feront au prix d’une privatisation de la gestion des logements sociaux et au profit des grands promoteurs immobiliers. Ironiquement, ce sont ceux-là mêmes qui s’enrichissent déjà sur la spéculation immobilière, elle-même à la source de la situation précaire du logement au Québec.

Les bons coups

Terminons un bilan plutôt sombre par une petite lueur : le reinvestissement dans les centres d’hébergement de femmes. Le contexte du confinement, et surtout le travail acharné de générations de militantes, auront permis d’imposer dans la sphère publique l’enjeu des féminicides et de faire reconnaître la valeur du travail des organismes de femmes. Et maintenant, le financement public suit, prouvant encore une fois que la lutte sociale paie. Si on accueille avec joie cette victoire, il reste néanmoins encore bien du travail à faire. Les centres d’hébergement sont nécessaires, mais ils restent des pansements sur des blessures structurelles. La pauvreté a toujours un genre et la crise du logement, par exemple, continue de toucher principalement les femmes, plus susceptibles de consacrer une plus grosse proportion de leur revenu à leur logement.

Quel bilan pour la CAQ