Par Valentin Pages

Photo : RGF-CN

Un panel sur le projet de loi 15 (PL15) a été organisé par le Regroupement d’éducation populaire en action communautaire des régions de Québec et de Chaudière-Appalaches (RÉPACQ 03-12) et le Regroupement des groupes de femmes de la région de la Capitale-Nationale (RGFCN) le 12 septembre dernier, pour exposer les problèmes de la future loi. Un événement thématique du Conseil central de Québec–Chaudière-Appalaches-CSN (CCQCA-CSN) sur le sujet a aussi eu lieu. Ils sont la source d’informations du présent article.

Au-delà d’une loi, la Coalition Avenir Québec (CAQ) annonce peut-être un projet de société, du moins une tendance que le gouvernement veut prendre, selon Barbara Poirier, présidente du CCQCA-CSN.

Le projet de loi 15 est une réforme du système de santé et services sociaux québécois. Celle-ci développe une vision affairiste de la santé, car elle priorise la privatisation et le profit, comme le mentionne Louis Roy, ancien président de la CSN.

Voici un petit résumé de cette loi, très complexe.

La CAQ a comme objectifs de :
1-Rendre le système de santé plus efficace;
2-Décentraliser pour plus de proximité avec la population;
3-Trouver des solutions innovantes et nouvelles en santé et services sociaux; 4-Revaloriser le personnel et remettre à niveau les infrastructures.

Pour cela, les principaux moyens du gouvernement sont:

  • La création d’une agence de Santé Québec : le gouvernement veut centraliser administrativement la direction des opérations en santé publique dans une agence gérée par le gouvernement (les membres du conseil d’administration et le directeur général seraient nommés par le ministère). Ce sera une société d’état au même titre que Loto Québec ou la SAQ.
  • Augmentation de la place du privé en santé : la CAQ accentue un peu plus l’aspect de sous-traitance de la santé par les entreprises privées. Certains soins distribués par celles-ci pourront être payés avec la carte d’assurance-maladie.

 

Absence totale de considération pour les groupes marginalisés

Le premier point dénoncé est l’absence de la reconnaissance du racisme systémique dans la loi. Aucune mention n’en a été faite. On note aussi l’absence de reconnaissance des impacts qu’aura possiblement la réforme sur les femmes. En effet, il faut rappeler que les femmes, en plus d’être plus souvent proches-aidantes et cheffes de famille, constituent la majorité des personnes employées en santé et services sociaux, donc que leurs conditions de travail seront d’autant plus affectées par cette réforme, ce qui les place dans une position de vulnérabilité. Par exemple, la profession des sages-femmes verra son conseil, seul moyen d’expression et de balises pour la profession, aboli par la réforme. Ceci est une atteinte aux libertés des femmes de choisir leur façon d’accoucher, car elle musèle cette profession et réduit grandement son pouvoir. Cette profession était pourtant déjà en manque de représentativité dans le domaine de la santé, soutient Sarah Landry de la Coalition pour la pratique sage-femme.

Perte de démocratie

Un autre aspect problématique du projet de loi est la perte des instances pour la participation citoyenne, ce qui entraîne une baisse de la démocratie. La place faite aux citoyen·ne·s se voit réduite, puisque la fusion fera passer le nombre de comités de un par hôpital à un par région administrative. Ceux-ci étaient le seul espace où la population générale pouvait s’exprimer au sujet des services sociaux et de santé. L’autre enjeu démocratique est le fait que les ministres ne sont plus imputables pour les actions menées en santé au Québec. De fait, les fautes du secteur de la santé seront dorénavant mises sur la société d’État et son directeur général, qui devra rendre des comptes
au ministère de la Santé et des Services sociaux. Ainsi, le ministre se décharge des responsabilités incombant à son poste.

Un autre danger pour la démocratie est la forte diminution de représentativité syndicale: le nombre d’unités passerait de 88 à seulement quatre. Ainsi, la mobilisation des membres et leur sentiment d’appartenance à un syndicat fusionné et nationalisé pourrait être plus complexe. En effet, cette centralisation amènerait une probable baisse de sensibilité aux revendications locales, par rapport aux luttes globales que les 4 instances fusionnées voudraient mener. En effet, cette centralisation pourrait causer une perte de syndicats spécialisés et locaux et par le fait même une perte de connaissance des réalités du terrain. Les raisons de cette fusion sont aussi questionnables, sachant que les syndicats sont des groupes qui viennent instaurer un rapport de force avec le gouvernement. Ainsi, le gouvernement vient réduire le nombre de groupes et la force des groupes qui le confrontent et qui mènent des luttes à son encontre.

Une perte d’autonomie pour les organismes communautaires

Le financement des organismes communautaires est aussi incertain. Pourquoi une entreprise gèrerait-elle le financement des organismes communautaires censés être autonomes? Avec ses obligations de rendement, on peut douter de l’impartialité de la distribution des fonds de Santé Québec. La crainte des organismes est que le financement se fasse plus au gré des besoins de Santé Québec en termes d’efficacité que pour répondre aux besoins de la population.

Le réel coût du privé

Enfin, le coût du privé est bien plus élevé pour l’État et donc pour les contribuables que le système public. Toujours selon Louis Roy, les citoyen·ne·s paieraient, par le biais des taxes aux particuliers, la plus grande part de ces dépenses. Le fardeau financier de cette réforme repose donc sur le dos des contribuables en mettant de l’argent dans les poches de propriétaires privés en santé.

Pourquoi un projet de société au-delà de la santé?

Si l’on analyse brièvement les différentes réformes de la CAQ, il se dessine une privatisation générale de plusieurs domaines de la société. Par exemple, le projet de loi 31 sur le logement (voir articles dans ce numéro de L’Infobourg), valorise les propriétaires et leurs droits. Il valorise le droit privé sur celui collectif. La valorisation du privé serait aussi bien présente en éducation, selon l’ex-président de la CSN Louis Roy.

* Si le sujet vous intéresse, le panel est à revoir sur l’évènement Facebook Panel public – PL15 : https://urlz.fr/nMui

 

 

Projet de loi 15 : un projet de réforme de la santé pour le privé