Par Pascaline Lamare

La Ville annonçait en décembre dernier qu’elle rachetait l’îlot Saint-Vincent-de-Paul, ainsi que le terrain connexe du garage à Jojo, pour y réaliser notamment du logement social, abordable ou communautaire.

En décembre 2022, le comité exécutif de la Ville de Québec a entériné un montant de 12 millions qui sera remis au propriétaire en guise d’indemnité globale d’expropriation, dont 9 millions pour l’indemnité immobilière et 3 millions pour les dommages. Ce règlement à l’amiable intervient six ans après le début des procédures que la Ville avait entamées en 2017 pour acquérir, de gré à gré ou par expropriation, l’îlot Saint-Vincent-de-Paul. La longue bataille de l’îlot Saint-Vincent-de-Paul verrait-elle enfin son dénouement et, qui plus est, se solderait-elle par une victoire citoyenne? Il s’agit en tout cas d’un premier pas considérable pour le projet collectif que le Comité porte depuis longtemps et tout semble pointer vers un épilogue auquel les militant·e·s du Comité populaire n’ont jamais cessé de croire.

Pour la Ville, l’endroit présente un fort potentiel puisqu’il trône au sommet de la côte d’Abraham, en plus d’être situé le long du trajet du tramway. La Ville a exprimé la volonté de procéder au réaménagement de ce terrain et d’utiliser l’espace notamment pour en faire des   logements. Les documents de la Ville mentionnaient ainsi que « L’entente à approuver prévoit également que la Ville souscrive à une servitude perpétuelle interdisant l’usage de l’immeuble exproprié à des fins d’hôtellerie ou de location à des fins touristiques. En outre, cette servitude permet spécifiquement l’usage de l’immeuble exproprié à des fins de logement social, abordable ou communautaire ou de résidence pour personnes âgées ». Une démarche de consultation publique et de cocréation devait être dévoilée et entamée dès le début 2023 afin d’entendre les citoyen·ne·s et les différentes parties prenantes sur leur vision. À l’heure où nous imprimons ces lignes, nous n’avons pas encore eu les informations quant à cette démarche. Le Comité populaire reste vigilant et s’impliquera activement dans cette démarche.

Rappelons les objectifs du Comité populaire pour ce terrain :
• Un projet répondant à une mixité de besoins dont un parc, du logement social et un jardin communautaire ;
• Un projet permettant la réalisation d’un lien mécanique entre la Haute-Ville et la Basse-Ville ;
• Un projet qui respecte la trame du quartier tant dans la hauteur que dans son architecture ;
•Un projet qui respecte les conditions établies dans le cadre du Programme particulier d’urbanisme de la colline Parlementaire.
 
 
Le Comité populaire mène une lutte pour ce terrain depuis 2008. Un terrain qui symbolise tous les errements de l’urbanisme que Québec a connus depuis les années 1970, avec une vision orientée par un développement sans égards pour la population locale et la priorité donnée aux aménagements du réseau routier tel que mis en avant par le rapport Vandry-Jobin en 1968
 

Tel qu’on le connaissait, le Patro avait été reconstruit en 1952, après un incendie trois ans auparavant. L’aile abritant la piscine et le gymnase avait été ajoutée en 1958. Cette partie a été expropriée dès 1971 pour y faire passer l’autoroute Dufferin. Dès 1987, les religieux retirent le mobilier liturgique et les objets sacrés et mettent en vente la partie immobilière. L’année suivante, le diocèse désacralise le lieu. Peu après, la Ville souhaite permettre la construction d’un hôtel Sheraton (qui n’a jamais dépassé le stade de projet de coin de table). En 1998, le site est acquis par Jacques Robitaille, qui annonce qu’ilva y construire un hôtel. Le reste de l’église est détruit en 2006, mais la façade préservée.

En 2009, année électorale, le Comité populaire relance la lutte sur le Patro Saint-Vincent-de-paul. Forums, manifestations, candidates qui se prononcent pour l’expropriation. Une fois l’élection passée, tout est oublié. La façade est détruite à son tour en février 2010. Un énième projet d’hôtel fait surface. Le terrain est finalement transformé en stationnement à ciel ouvert, puis en terrain vague.

En novembre 2013, des militant·e·s du Comité populaire font un aménagement paysager symbolique sur le site, première fois que nous revendiquons publiquement un jardin. Lors d’une consultation en 2016, les citoyens optent pour que des logements sociaux et de jardins communautaires voient le jour à cet endroit. En avril 2019, Jacques Robitaille reçoit un avis d’expulsion, qu’il a contesté jusqu’au règlement de décembre 2022. Au même moment, le Comité lance une déclaration pour un réaménagement citoyen de l’îlot Saint-Vincent de Paul, qui réponde aux besoins de la population locale. En juin de la même année, nous organisons une occupation festive sur le terrain.

L’histoire du Patro, c’est une longue histoire de luttes citoyennes, de défaites qui se transforment parfois en victoires. Le projet porté depuis tant d’années par le ComPop (et dessiné par Marc Boutin) reste une nécessité dans le quartier, où les logements sont de moins en moins abordables, subissant de plein fouet la gentrification et la airbnbisation des logements. N’oublions pas que c’est grâce aux travail soutenu de militant·e·s et de citoyen·ne·s, à la solidarité et la fondation de coopératives d›habitation que notre quartier a pu demeurer un quartier vivant, à échelle humaine. Nous continuerons à nous impliquer dans les prochains mois, pour s’assurer que le projet développé réponde aux besoins des résident·e·s!

 

Patro saint-vincent-de-paul, une victoire pour la mobilisation citoyenne