Par Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

Photo :Jacynthe Morin

Les logements sont rares dans les quartiers centraux de Québec, encore plus pour les familles, et ceux qui sont affichés sont hors de la portée de la bourse de la moyenne des locataires. Les ménages sans-logis autour de la période des déménagements et ceux n’ayant pas réussi à se reloger plusieurs semaines plus tard sont de plus en plus nombreux à Québec comme ailleurs. À Québec cette année, plus de 900 ménages locataires ont demandé de l’assistance au service d’aide au relogement géré par l’office municipal d’habitation de Québec (OMHQ).

La crise du logement que le Québec traverse est la plus dure de son histoire moderne. Elle touche particulièrement violemment les ménages à faible et à modeste revenus. Le désespoir et l’insécurité résidentielle augmentent face à l’explosion du coût des loyers, à la spéculation immobilière et la multiplication des évictions. Dans plusieurs régions, les témoignages de personnes contraintes de dormir dans des motels ou dans leur voiture se multiplient. L’itinérance visible et cachée est en hausse. Les conséquences sont dévastatrices, notamment pour de trop nombreuses femmes dont la sécurité est compromise.

Même si le gouvernement réélu de François Legault a finalement reconnu la crise, les mesures structurantes nécessaires pour y faire face se font toujours attendre. Les solutions sont pourtant connues : il faut contrôler le marché privé, mieux protéger les locataires contre les hausses abusives de loyer et les évictions frauduleuses et réaliser des logements sociaux en nombre suffisant pour qu’il y ait une alternative pour toutes ces personnes qui n’arrivent pas à se loger décemment.

Or, la CAQ a pris des engagements largement insuffisants en la matière durant la campagne électorale. Sur sa pro- messe de 11 700 nouveaux logements sociaux et abordables en 4 ans, 4 700 avaient déjà fait l’objet d’annonces avant le déclenchement des élections; en fait, seulement 7 000 sont de nouvelles unités. De ce nombre, la part de logements sociaux reste toujours inconnue.

La CAQ laisse également planer l’incertitude sur l’avenir du programme AccèsLogis – le seul entièrement dédié au développement de logements sociaux – et son financement.

À de nombreuses reprises, les groupes communautaires en habitation, dont le FRAPRU, ont réclamé des investissements suffisants et récurrents dans le programme, notamment pour compléter la réalisation de tous les logements déjà programmés mais pas encore construits. Les résultats se font toujours attendre.

L’ancienne ministre de l’Habitation a répété souvent qu’AccèsLogis n’est pas mort; elle a précisé que le nouveau Programme d’habitation abordable – Québec (PHAQ), lancé à l’hiver 2022, était complémentaire à AccèsLogis. Pour en faire la preuve, il faudra que le ministre des Finances annonce de nouvelles unités de logements sociaux dans son budget 2023-2024.

Pour l’instant, les groupes qui travaillent avec des requérant·e·s de logements sociaux, sont forcés d’attendre, en raison de l’absence de nouvelles programmations dans AccèsLogis et dans le PHAQ. Plusieurs coopératives, OSBL et offices d’habitation craignent que leurs projets ne puissent jamais voir le jour. Cela est inadmissible alors que les besoins sont si criants.

Une tendance dangereuse vers la privatisation

En lançant le PHAQ, le gouvernement a amorcé une dérive dangereuse vers la privatisation de l’aide au logement, puisqu’il offre maintenant du financement public – jusque-là réservé au secteur sans but lucratif – à des promoteurs privés. Ces promoteurs ont pour seule obligation de garder abordables 30     % des logements qu’ils construisent pendant un certain laps de temps, variant entre 10 et 35 ans, selon l’ampleur du financement public consenti. Aucune subvention au loyer pour des ménages à faible revenu n’est prévue dans le programme comme c’est le cas dans AccèsLogis; les promoteurs – à but ou sans but lucratif – qui en veulent, doivent les demander à part et n’ont aucune garantie d’en obtenir. La CAQ semble miser aussi sur l’offre de subventions au loyer versés directement à des propriétaires de logements locatifs disponibles, pour aider des ménages à faible revenu en attente de HLM. Or, il est connu et vérifié qu’en période de pénurie de logements, les propriétaires les boudent systématiquement, préférant choisir leurs locataires. Enfin, Québec a versé 395 millions $ au Mouvement Desjardins, à Fondaction (de la CSN) et au Fonds de solidarité FTQ pour qu’ils réalisent 3 000 logements, leur confiant l’élaboration de leurs propres programmes et la réalisation de projets de logements abordables.

Pendant ce temps, le doute continue de planer toujours sur l’avenir de plusieurs projets déjà déposés dans AccèsLogis, totalisant presque 9 000 logements sociaux, tous budgétés avant 2018. La CAQ avait promis de les construire durant son précédent mandat. Pour l’instant, les groupes attendent encore les sommes nécessaires pour boucler leurs budgets de réalisation. La nouvelle ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, qui a affirmé vouloir des résultats, a ici l’occasion de faire rapidement ses preuves en débloquant le dossier.

L’heure est à la mobilisation pour sortir la classe politique de son indifférence face aux effets dramatiques de la pénurie de logements locatifs et de la hausse fulgurante des loyers, et pour obtenir les investissements massifs qui s’imposent dans le secteur du logement social. Pour sa part, le FRAPRU continuera de se mobiliser pour la réalisation de 50 000 logements sociaux en 5 ans, sous différentes formes. Ceci inclut un programme d’acquisition de bâtiments résidentiels locatifs et leur socialisation, pour contrer efficacement l’effritement du parc de logements locatifs encore abordables et assurer le maintien dans leur milieu des ménages qui y habitent. Il faut aussi construire de nouveaux logements sociaux, notamment des HLM, pour lutter contre la rareté de logements qui sévit dans toutes les régions.

C’est ce qu’il met en lumière dans le cadre de sa tournée du Québec avec un char allégorique illustrant les besoins des mal-logé·e·s et les projets de logements sociaux qu’ils réclament. La tournée se terminera à Québec, avec une manifestation nationale devant l’Assemblée nationale, le jeudi 16 février 2023.  

 

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