(Photo: Le BAIL a tenu un kiosque à Limoilou, le 12 juin, avec la Table citoyenne Littoral-Est pour inviter les locataires à passer leur bail, Crédit: BAIL)

Par François Dignard, intervenant social au Bureau d’animation et information logement du Québec Métropolitain (BAIL) 

À l’approche du 1er juillet, jour de grand déménagement au Québec, le BAIL lance un appel à la solidarité à tous·tes les locataires. Si vous quittez votre appartement, participez à la campagne « Passe-moi ton bail ! », qui consiste à remettre une copie de votre bail et, le cas échéant, de votre dernier avis de modification aux nouveaux·elles habitant·e·s. En posant ce geste, vous leur permettrez de contester la hausse abusive de loyer qui pourrait leur être imposée. 

Déménagements et hausses abusives 

Nombre de propriétaires cupides profitent des déménagements pour hausser le coût des loyers de façon démesurée. Les plus récentes données de la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL) font d’ailleurs foi de ce phénomène endémique. En effet, dans la région métropolitaine de recensement de Québec, le prix des logements de deux chambres à coucher ayant changé de locataires a, en moyenne, augmenté de 11,8 %, environ trois fois plus que celui des unités dont le bail a été renouvelé (4,3 %). 

Un recours défaillant 

Selon le Code civil du Québec, les locataires qui emménagent dans un appartement peuvent demander au Tribunal administratif du logement (TAL) d’en fixer le loyer, lorsqu’elles ou ils paient un loyer supérieur à celui dont s’acquittaient leurs prédécesseur·e·s. 

Pour permettre aux locataires d’exercer leur droit à la fixation de loyer, la loi exige des propriétaires qu’ils indiquent, à la section G du bail, le montant que les ancien·ne·s résident·e·s déboursaient mensuellement pour se loger. Si cette obligation était respectée, les locataires disposeraient de l’information nécessaire pour évaluer le caractère raisonnable, ou déraisonnable, de la hausse exigée. 

Or, les propriétaires contreviennent trop souvent à leur obligation légale de documenter adéquatement la section G. En effet, nombre d’entre eux omettent sciemment de compléter cette section, ou y inscrivent un loyer beaucoup plus élevé que celui versé réellement par les habitant·e·s précédent·e·s. C’est ce que révèle d’ailleurs une récente étude du Collectif de recherche et d’action sur l’habitat : dans 70 % des décisions rendues en fixation de loyer entre 2013 et 2022, la section G n’était pas remplie ou contenait un montant frauduleux. Sachant qu’il sera fort difficile pour les locataires de connaître le coût réel de l’ancien loyer et de faire contrôler le leur par le TAL sans cette information, les propriétaires profitent de cette faille pour hausser démesurément le prix des unités locatives. 

Une solution rejetée du revers de la main 

La solution contre les hausses excessives, lors des changements de locataires, est bien connue : l’établissement d’un registre public et gratuit des loyers, qui répertorierait le prix de l’ensemble des appartements de la province. Cet outil permettrait aux locataires d’avoir accès aux preuves nécessaires pour se prévaloir de leur droit à la fixation de loyer. Pourtant, la ministre de l’Habitation, France-Élaine Duranceau, refuse fermement d’implanter un tel registre, se rendant ainsi complice des abus des propriétaires. 

En attendant un registre des loyers 

Devant le refus catégorique de la ministre Duranceau d’instaurer un registre des loyers, soyez solidaires si vous déménagez et « passez » votre bail aux locataires qui vous succèderont ! « Passer » son bail demeure, jusqu’à maintenant, l’unique moyen de fournir une information fiable sur l’ancien loyer. Ce geste permettra non seulement aux nouveaux·elles occupant·e·s d’éviter une hausse abusive, mais il profitera également à l’ensemble des locataires en favorisant un meilleur contrôle du coût des loyers. Contre l’exploitation des propriétaires avides, la solidarité entre locataires est de mise!

Locataires de tous les quartiers, «passez» votre bail!