Par Fabien Abitbol

Alors que l’inflation a été de 6,8% en 2022, le gouvernement du Québec a annoncé en décembre une hausse des aides sociales de 6,44% en 2023, mais le compte n’y est pas. Une nouveauté néanmoins : l’instauration du « revenu de base » avec tout de même des critères stricts.

Sous l’ancienne appellation du « bien-être social », il existe de nombreux montants, au moins quinze, en fonction notamment de la composition du ménage et du type de lieu de vie. Au recensement 2016, le quartier Saint-Jean-Baptiste était composé à 64% de foyers d’une seule personne, alors par souci de simplification on ne va regarder que les célibataires sans enfants.

Sous le gouvernement Couillard avait été mis en place un « Plan d’action gouvernemental pour l’inclusion économique et la participation sociale 2017-2023 ». Ce plan avait été élaboré entre l’automne 2015 et l’été 2016 et consistait en quatre axes:

  • Sortir plus de 100 000 personnes de la pauvreté et augmenter le revenu des per- sonnes en situation de pauvreté ;
  • Investir pour améliorer le logement social ;
  • Favoriser la participation sociale des personnes et des familles à faible revenu et mobiliser les milieux ;
  • Améliorer l’efficacité de l’action gouvernementale en matière de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale.

Disons qu’on n’est pas au bout du tunnel. On a pu le voir par exemple récemment avec le manque de logements sociaux (le manque de logements tout court à Québec) et le fait que le gouvernement ne veut toujours pas la déconjugalisation des aides sociales. En mars 2022, L’Infobourg avait publié à ce sujet « De travailleuse à assistée sociale, j’ai perdu mon droit à l’amour », expliquant les risques financiers qu’encourt une personne assistée sociale à être amoureuse, même sans vivre en couple.

Depuis le 1er janvier 2023, un allocataire de l’aide sociale perçoit 770$ par mois. S’il a une contrainte temporaire à l’emploi, il a droit à 153$ de plus, soit 923$. Une personne qui subit des contraintes sévères à l’emploi (d’une durée minimum d’un an), l’allocation de solidarité sociale s’élève à 1205$, soit environ la moitié d’un salaire minimum à temps plein.

Malgré le principe d’augmenter les aides sociales en fonction du coût de la vie (donc en théorie 6,8%), malgré l’annonce de les augmenter de 6,44%, c’est plutôt une augmenta- tion de l’ordre de 5,9% qui est arrivée. Car ce que voit l’allocataire c’est ce qui arrive sur son compte et qui figure sur le feuillet bleu (le fameux « carnet de réclamation »). Or cette somme est découpée en morceaux :

  • l’adulte le plus pauvre perçoit une « allocation de base » de 725$ et un « ajuste- ment»de45$;
  • celui qui a des contraintes temporaires à l’emploi perçoit 153$ en « allocation pour contraintes temporaires à l’emploi » en sus des deux sommes précédentes ;
  • l’allocataire de la solidarité sociale c’est autre chose- l’allocation de base est à 1102$ et le fameux « ajustement » est de 103$.
  • C’est de cette façon que le gouvernement peut annoncer des chiffres et que, au final, le résultat est inférieur de quelques dollars par mois : c’est la « prestation de base » qui est revalorisée chaque année.

Les « bénéficiaires » de ces allocations peuvent gagner jusqu’à 200$ par mois en revenus du travail. Au-delà de cette somme, l’allocation est amputée d’autant.

Le revenu de base enfin en place

Par un décret du 15 juin 2022, le gouvernement Legault a entériné ce qui avait été décidé par le gouvernement Couillard. Mais le terme de « revenu de base » est particulièrement mal choisi : selon les sources auxquelles on se fie, ce programme concernait au 1er janvier 2023 entre 60 000 et 85 000 personnes. Un nombre qui en théorie devrait augmenter chaque mois car, sauf si on s’y oppose, on entre directement dans cette catégorie si on a été au programme de solidarité sociale durant 66 des 72 derniers mois.

Sur le plan purement financier, l’allocataire perçoit 337$ de plus par mois que le presta- taire de la solidarité sociale.

Mais c’est à côté que plein de choses changent... et vu le faible montant de l’allocation de solidarité sociale, on peut se demander pourquoi un tel écart existe.

Selon ce qu’expliquait à l’été 2022 l’Office des personnes handicapées du Québec dans son Express-O, il est possible :

• de travailler jusqu’à 13 656$ par an sans pénalité (soit 500$ par quinzaine), les dolars suivants étant déduits à 55% de la prestation ;

• d’avoir 20 000$ d’économies ;
• de posséder des biens jusqu’à 500 000$.

Sachant que pour demander une prestation il faut avoir moins de 900$ sur son compte (maximum 887$), on se demande comment après 66 mois dans un mauvais état de santé on pourrait être en mesure d’être financièrement à l’aise. À part un héritage ou un gain au loto évidemment.

Et pourquoi dans ce cas ne pas appliquer ces possibilités aux trois autres catégories de prestataires? Ça permettrait peut-être à certain·e·s de dépasser le plafond -très bas- de 200$ de travail par mois, que ce soit régulièrement ou par activité saisonnière.

 

Les aides sociales peu revalorisées