Par Laurent Lévesque

Photo : Véronique Laflamme

C’est le nouvel adjectif de l’heure, abordable. On le trouve après le mot logement dans les discours des politicien·ne·s qui doivent au moins tenter de faire semblant de s’activer face à la crise du logement. Ce mot, abordable, il peut sonner comme une bonne nouvelle pour les dizaines de milliers de personnes mal-logées à travers le pays. Cependant, le diable est dans les détails.

Ces annonces de logement abordable sont des fumisteries, comme le dénonçait le Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU) dans ses revendications envers les candidat·e·s aux élections municipales. Ce qu’il faut savoir, c’est qu’une des seules réglementations qui balisent présentement le logement abordable est émise par la Société canadienne d’hypothèques et de logement (SCHL). Dans un mémoire* présenté dans le cadre des consultations pré-budgétaires fédérales de 2021, le FRAPRU démontre les problèmes de ce système. En surface, le gouvernement fédéral semble proactif pour régler la crise du logement en faisant valser les milliards à travers sa société immobilière pour encourager les promoteurs à construire des logements abordables. C’est d’ailleurs un point majeur de sa Stratégie canadienne pour le logement (SCL). Ces milliards viennent sous forme de prêts à faible intérêt, souvent moins de 1 %, à des promoteurs privés. En contrepartie, les promoteurs doivent s’engager à garder une portion des logements de leur projet en dessous de 30 %t du revenu médian de la ville concernée et 10 % du prix des logements du secteur pendant une période de 20 ans. Nous arrivons à 1877$ à 2241$ par mois à Montréal. C’est donc le prix auquel le promoteur doit s’engager à louer ses logements durant une période de dix ans afin de recevoir des millions en prêts à faible intérêt. À des prix pareils, nous sommes alors en droit de nous demander pour qui ces logements sont « abordables ». De plus, le FRAPRU dénonce le peu de mécanismes du gouvernement pour s’assurer que ces logements soient véritablement loués à ces prix durant les prochaines décennies.

Logement social plutôt qu’abordable

En raison de ce détournement sémantique, s’opposer aux logements dits « abordables » est donc plutôt difficile sans une bonne dose de pédagogie, au moins aussi grande que le cynisme du fédéral dans ce dossier. Nous connaissons la solution à la crise que traversent des millions de personnes au pays : le financement et la construction d’OSBL d’habitation, HLM et coops d’habitation. Il faut aussi que le fédéral s’engage à financer la rénovation des unités déjà en place, notamment dans les HLM. Rappelons que près de 10 % des unités en HLM sont en mauvais état, au point d’être placardés justement en grande partie à cause du manque de fonds du gouvernement fédéral.

Ces solutions freineront la flambée des prix et apaiseront la rareté des logements, surtout pour des personnes ayant des besoins particuliers comme les familles, les personnes racisées, des personnes en situation de handicap ou les personnes à faible revenu qui peinent particulièrement à se loger dans des conditions dignes. Le FRAPRU réclame au fédéral en ce sens «3milliards de dollars par année pour financer le développement de nouveaux logements sociaux et toutes les sommes requises pour remettre en état les logements sociaux construits avant 1994 et maintenir les subventions au loyer des ménages à faible revenu qui y habitent**». Continuons le combat pour le droit au logement et pour la construction de logements sociaux qui répondent à nos besoins dans nos quartiers

*Mémoire du Front d’action populaire en réaménagement urbain présenté dans le cadre des consultations pré-budgétaires fédérales 2021 déposé le 18 février 2021 https://www.frapru.qc.ca/wpcontent/uploads/2021/02/MemoirePre%CC%81Budge...

** « Ottawa doit investir plus et mieux dans le logement !», FRAPRU, https://www.frapru.qc.ca/ottawa/

 

Le logement social comme remède à l’abordable