Par Yvon Boisclair

UN CHANGEMENT DE MÉDICATION

Nous sommes le 26 décembre 2020. Je suis hospitalisé parce que mes jambes ne répondent plus aux commandements de mon cerveau. Ce problème dure depuis une dizaine d’années. Sporadiquement, je m’affaisse sur le sol sans pourvoir me relever.

À l’hôpital, un médecin me pose la question : –Qu’attendez-vous de nous ?

– Je veux savoir pourquoi mes jambes me lâchent.

Pour comprendre la suite, il faut savoir que je suis suivi en psychiatrie depuis plus de quarante ans. J’ai un trouble de l’humeur (je suis bipolaire), donc, des périodes dépressives intenses suivies de hausses d’humeur tout aussi intenses.

Mon médecin de famille avait commencé à modifier ma médication en baissant le dosage du Séroquel (antipsychotique). À l’hôpital, une neurologue me dit qu’il faut aussi toucher à l’autre médicament, l’Épival (régulateur d’humeur). Mon médecin contacte alors ma psychiatre qui propose de réduire de beaucoup l’Épival et d’augmenter le Séroquel. On applique ce changement aussitôt. L’Épival agit dans les hauts et les bas comme le Séroquel; cependant, c’est lui qui s’attaque à mes jambes.

Je vis dans un petit studio. Avant mon hospitalisation, j’étais obligé de m’y déplacer avec une marchette. À mon retour, fini la marchette! Bientôt, je constate, ravi, que je peux marcher dehors. Au début, j’utilisais une canne pour mes déplacements à l’extérieur; je l’ai abandonnée rapidement. De même, avant l’hôpital, j’étais tellement faible que je pensais laisser mon bien-aimé appartement, avec tous mes amis de la coop, pour déménager, solitaire, dans une résidence pour personnes âgées. Sans compter que je perdrais mon chat! Il n’en est rien. Je cuisine maintenant tous mes repas, je fais vaillamment mon ménage, je reçois de l’aide pour mes commissions et prends de belles marches dans mon quartier.

Les médicaments ont toujours des effets secondaires. C’est pourquoi, quand on a un problème de santé, il faut insister pour avoir des explications. Sans mon entêtement à comprendre ce qui se passait dans mon corps, j’aurais abandonné mon bienheureux milieu de vie.

Par contre, mes jambes me causaient encore des problèmes. En février, j’ai subi des examens en neurologie. On m’a diagnostiqué un trouble neurologique : l’hydrocéphalie à pression normale. Cela implique des problèmes d’équilibre et de la faiblesse dans les jambes. Solutions : exercice ou opération chirurgicale. Comme celle-ci n’est pas nécessaire pour l’instant, donc, je m’adonne à la marche et au yoga. De plus, je travaille avec un chiropraticien.

L’hiver cède sa place au printemps. L’été arrive avec une surprise: un haut carabiné. Dans cet état, je parle beaucoup, la créativité littéraire explose et je dépense sans compter. Tout le mois de juillet se déroule ainsi. Finalement, comme une vague, ce haut passe. Pour protéger mes jambes, nous avions baissé l’Épival, ce qui a causé ce haut intense. Je contacte donc ma psychiatre et nous avons augmenté le Séroquel pour que mon humeur se stabilise. Pour l’instant ce cocktail fonctionne. Mais pour combien de temps?

Je ne le sais pas...

En santé physique comme en santé mentale, l’utilisation des médicaments obéit à la loi de l’essai-erreur.

La psychiatrie au fil des jours