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Par Charles-Olivier P.Carrier
C’était censé être un lundi comme les autres au Compop. J’avais tort. Il y a plusieurs messages sur le répondeur. Je retourne les appels. À l’autre bout du fil : des ainé·e·s en pleurs, anxieux·ses pour leur avenir ou ayant le sentiment d’être en train de se faire rouler dans la farine. La résidence privée pour aîné·e·s (RPA) de la Seigneurie de Salaberry, la seule du genre dans le quartier, a été vendue à un nouveau propriétaire qui compte en faire un complexe locatif. Il évince tout le monde. Pire encore, en gratouillant un peu, on découvre rapidement que le nouveau propriétaire est une société immobilière dont le représentant est Henry Zavriyev. Un personnage connu comme le Roi de la rénoviction. Rien pour être rassuré·e·s.
On contacte le Bureau d’animation et d’information logement (BAIL) et on se met collectivement sur le dossier pour s’assurer que les droits de tou·te·s soient respectés.
Le CIUSSS prend en charge la relocalisation. Du point de vue de celui-ci, tout s’est fait dans l’ordre, mais il est pourtant pris à ramasser les pots cassés par le secteur privé. De notre point de vue, nous constatons plusieurs irrégularités dans le processus d’éviction. La priorité est donc de transmettre à la fois notre solidarité aux locataires évincé·e·s et ensuite de leur communiquer la bonne information sur leurs droits. Ainsi, avec l’aide du BAIL, nous organisons un rassemblement de solidarité auquel des citoyen·ne·s, des locataires de la Seigneurie, des membres de leur famille et même des locataires d’autres RPA aux prises avec le même propriétaire prennent la parole. La semaine suivante, le BAIL tient une séance d’information à l’intérieur même de l’immeuble, évènement qui attirera plus de la moitié de ses locataires. Celle-ci est interrompue par une alarme de feu qui arrive à un moment pour le moins... approprié (si on se place du côté du propriétaire, évidemment...).
Le plus frustrant avec le support donné aux locataires dans leur négociation avec le propriétaire et éventuellement dans le combat qu’iels devraient amener devant le Tribunal administratif du logement (TAL), c’est qu’on va devoir le mener autant de fois qu’il y a de locataires et qu’il appartient aux locataires eux-mêmes (souvent, pour le coup, semi-autonomes) d’y défendre leurs droits. Le TAL ne prévoit pas de possibilité de recours collectif pour de tels cas et n’a pas le mandat d’enquêter lorsqu’on constate un déni de droit généralisé.
Quel bilan pour les RPA?
Pourtant, juridiquement, on ne peut pas empêcher le changement d’affectation. Cela signifie que les personnes touchées sont placées de toute façon devant le choix difficile de soit déménager, soit rester dans un immeuble qui n’offre plus de services. D’autant plus que la RPA Seigneurie de Salaberry n’est qu’un exemple, malheureusement, parmi tant d’autres. Uniquement dans la région de Québec, en 2 ans, ce sont 22 RPA qui ont fermé leurs portes. Pourtant, pour la même période seulement 6 ont ouvert... Et depuis, le plus gros gestionnaire de RPA au Québec, le Groupe Sélection, s’est mis à l’abri de ces créanciers.
Le modèle actuel ne fonctionne visiblement pas. Une RPA, c’est un commerce qui est soumis, autant que n’importe quel autre commerce, aux impératifs du profit. Dans un contexte de crise du logement et de mesures sanitaires, c’est beaucoup plus payant de transformer les immeubles en logements de luxe. Encore une fois, les profits passent avant les besoins.
Les résidences pour personnes aînées sont un service essentiel qui devrait non seulement être soumis au contrôle public, mais également devenir un service public comme tel. Elles doivent être sorties du marché privé et ça presse.
Des solutions existent.
Les Villes peuvent se servir du zonage pour protéger l’affectation des RPA existantes et éviter que d’autres soient transformées en logements privés. Plus encore, elles peuvent utiliser le nouveau droit de préemption – qui a été donné par une loi provinciale adoptée juste avant l’été – pour cibler les immeubles des RPA et acquérir prioritairement ceux-ci lorsqu’ils sont en vente.
Cela dit, ce n’est pas un problème propre à une seule municipalité et les pouvoirs provinciaux peuvent et doivent en faire plus. Le Québec a (encore) un beau programme, Accès-logis, dont un volet entier est dédié aux développements de logements sociaux pour personnes âgées semi-autonomes. Accès-Logis n’est pas sans défauts, mais on pourrait l’améliorer, le bonifier, éliminer la lourdeur bureaucratique qui l’affecte. On pourrait faire en sorte d’y ajouter des mécanismes qui favorisent la socialisation des RPA existantes.
Mais plus que tout, il faut que l’argent public suive. Non seulement dans le développement de logements sociaux et de résidences pour personnes aînées hors du marché privé,
mais surtout dans le support des services pour aîné·e·s. C’est avec des services publics
en santé, bien financés et universels, qu’on peut s’assurer de retrouver le contrôle de nos milieux de vie et assurer le droit aux logements sains, adéquats et sécuritaires pour tous et toutes.