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Par Laurence Simard
Photo : Laurence Simard
Le 15 janvier dernier, plusieurs femmes de la ville de Québec, militantes féministes pour la justice sociale, ont installé des bannières à différents endroits dans les quartiers Saint-Jean- Baptiste, Montcalm, Saint-Sauveur, Saint-Roch, Limoilou et Beauport.
Notre action visait à dénoncer l’instauration du couvre-feu par le gouvernement caquiste comme stratégie pour freiner la propagation de la COVID-19.
Nous critiquons ce choix, qui met à mal nos droits au déplacement et à l’accès à l’espace public, et qui augmente le degré de contrôle et de pouvoir discrétionnaire déjà alarmant que les forces de police exercent dans nos vies, avec toutes les dérapes et violences discriminatoires qu’on leur connait.
Nous nous inquiétons des impacts disproportionnés du couvre-feu dans les vies des personnes en situations déjà fragiles, et rendues plus difficiles encore par la pandémie. La mort de Raphaël André dans des conditions atroces, une semaine environ après l’imposition du couvre-feu, illustre de façon catastrophique la violence de cette mesure pour les personnes les plus marginalisées de notre société.
Le couvre-feu nous parait un choix hautement idéologique de la part du gouvernement caquiste, qui préfère protéger des secteurs non-essentiels de l’économie (comme la construction) plutôt que la sécurité et la santé physique et mentale des personnes, notamment les plus vulnérables. Un mois après l’imposition du couvre-feu, nous constatons sans surprise que celui-ci est reconduit pour une durée indéterminée, alors que nous procédons à la réouverture de plusieurs commerces non-essentiels.
La pandémie n’est pas un phénomène individuel, et nous devons cesser d’en jeter la responsabilité sur les comportements des individus. D’un point de vue scientifique, imposer un couvre-feu alors que nous multiplions les contacts par ailleurs n’a aucun sens. Nous sommes face à un choix collectif: celui de protéger les modes de fonctionnement et les intérêts économiques en place, en imposant des mesures policières et en détériorant les conditions de vie d’une part de plus en plus grande de la société, ou celui de prendre réellement soin les un.e.s des autres en investissant massivement dans notre filet de sécurité sociale pour traverser la crise le plus solidairement possible.
Ci-dessous le communiqué de presse de l’action d’affichage :
Québec, le 15 janvier 2021 – Des citoyennes ont accroché des bannières dans plusieurs quartiers de la ville de Québec pour dénoncer les conséquences du couvre-feu sur différents groupes sociaux. Elles demandent des mesures sanitaires et solidaires dont l’efficacité est démontrée, plutôt que des mesures policières dont les conséquences pour les femmes et les personnes marginalisées sont disproportionnées.
Des bannières sur lesquelles on peut lire notamment « Solutions sanitaires et solidaires, pas policières » ont été accrochées sur plusieurs artères principales de la Ville de Québec ce matin. Cette initiative est l’œuvre de citoyennes féministes qui s’indignent devant la mise en place de mesures policières pour répondre à la crise sanitaire. Elles estiment que l’imposition du couvre-feu, alors que certains milieux de travail demeurent ouverts à la discrétion des entreprises, est un choix politique motivé par des considérations économiques et politiques. Selon elles, le couvre-feu porte gravement atteinte aux droits et libertés fondamentales, en plus de fragiliser la situation des plus vulnérables. Elles rappellent que le couvre- feu, qui se traduit par une augmentation du contrôle social par la police, n’est pas justifié par des fondements scientifiques, comme le reconnaissait le Dr Arruda lui- même le 6 janvier dernier.
Les organisatrices jugent que le couvre-feu renforce les inégalités sociales: «Les personnes qui ont pensé à ça, elles sont visiblement libres de leur temps, elles n’ont pas d’impératifs en soirée, pas d’épicerie à faire, pas de longs trajets d’autobus pour s’y rendre, elles ne vivent pas dans des petits appartements bondés ». Au-delà du droit de circuler librement, ces citoyennes dénoncent des atteintes au droit à la santé physique et mentale, à la sécurité et à l’intégrité. L’impact du couvre-feu est disproportionné entre les personnes qui peuvent profiter d’une cour ou d’un balcon et les autres qui n’ont aucun accès privé à l’extérieur. Les organismes de soutien aux locataires et aux personnes itinérantes ont d’ailleurs dénoncé les conséquences catastrophiques du couvre-feu pour les personnes mal-logées ou sans-abri.
La situation est aussi inquiétante pour les femmes victimes de violence : « Les femmes qui ne sont pas encore rendues à quitter leur domicile pour aller chercher de l’aide, elles doivent pouvoir sortir quand elles en ont besoin». Plus généralement, le poids du télétravail et des obligations familiales sur la population en général est tel que la santé mentale et physique de nombreuses personnes dépend d’un libre accès à l’espace public extérieur. Les personnes qui ne bénéficient pas d’un horaire de travail flexible feront aussi les frais de l’achalandage dans les commerces essentiels aux heures de pointe, une source de stress supplémentaire dans leur quotidien.
Les organisatrices de l’action de visibilité expliquent qu’elles ont toujours respecté les mesures sanitaires parce qu’elles comprennent l’importance de protéger les personnes les plus à risque. «Mais le couvre-feu, ça n’a aucun sens ! On a le droit de sortir après 20h pour promener son chien, mais pas pour endormir son bébé en crise, ou parce que ça nous permet de maintenir notre équilibre mental ? ». Les citoyennes dénoncent le stress et la peur induits par cette mesure et rappellent que même quand on a l’autorisation de circuler pendant le couvre-feu, la perspective d’un contrôle policier peut être anxiogène, particulièrement pour les personnes à risque de profilage.
Par cette action, les citoyennes demandent au gouvernement de mettre en place des mesures sanitaires et solidaires qui redonnent du pouvoir à la population, en particulier aux personnes marginalisées ou exclues, qui respectent les droits et libertés et qui suscitent l’adhésion parce qu’elles sont fondées sur des pratiques probantes en santé publique.