Par Nicolas Lefebvre Legault Plusieurs personnes opposées au projet de l’îlot Irving accusent le Comité populaire à mots à peine couverts de s’être fait acheter dans ce dossier. En gros, le Compop aurait accepté de se la fermer en échange d’un nanane, à savoir une coopérative d’habitation. Un intervenant a même accusé le comité de « s’être baissé les culottes ». Alors, compromis ou compromission? Dans le passé, en 2000 pour être plus précis, le Comité populaire s’était opposé frontalement et radicalement à un projet de condos de six étages sur le site de l’îlot Irving. On disait déjà, à l’époque, que la nouvelle construction allait boucher la vue. La hauteur était un argument, mais ce qui avait vraiment motivé l’opposition du Compop, c’est que le projet s’était fait sans consultation. Celui-ci ne répondait pas aux besoins des gens du quartier (locataires à plus de 80 %) et il allait en plus aggraver l’embourgeoisement du Faubourg. Qu’est-ce qui a changé dix ans plus tard ? Coops vs condos Contrairement à ce que certains pourraient penser, la coopérative La face cachée n’a pas qu’une existence virtuelle, il ne s’agit pas seulement d’une idée. Depuis deux ans, le Comité populaire anime un groupe de locataires en chair et en os qui veut fonder une nouvelle coopérative d’habitation. C’est l’été dernier, dans le cadre de représentations auprès de la Ville que le Comité a appris que l’îlot Irving avait changé de main et que le nouveau promoteur voulait y construire des condos. Toujours aussi convaincus qu’un immeuble de six étages de condos de luxe serait néfaste pour la trame sociale du quartier, nous avons tenté de voir s’il n’y avait pas une ouverture pour un projet mixte. À notre grande surprise, GM Développement s’est montré ouvert à céder environ le quart du terrain à une coopérative... en échange du droit de construire plus haut que ce que permet le zonage (neuf étages au lieu de six). Le Comité populaire aurait pu s’opposer frontalement au projet de GM. Trois choses ont fait pencher la balance et ont amené l’organisme à négocier. Premièrement, advenant le cas où le projet de GM ne se ferait pas, le site serait tout de même trop cher (1,7 M $) pour que la Ville, et encore moins une coopérative, puissent mettre la main dessus. Le Compop a essayé de l’acheter il y a 5 ans, quand il valait le tiers du prix actuel, mais n’a pas été en moyen de le faire. Deuxièmement, le promoteur a déjà le droit de construire un immeuble de six étages de condos de luxe. Pour ça, nul besoin de négocier. Troisièmement, le statu quo est devenu invivable. Le site est laissé à l’abandon depuis tellement longtemps qu’en plus d’être laid et de servir d’urinoir public l’été (à l’arrière), il n’est plus sécuritaire et menace de s’effondrer. Résultat des négociations La position de négociation développée par le conseil d’administration du Comité populaire était simple. Le projet est trop gros, trop haut. À défaut de le faire baisser à quatre étages pour respecter intégralement la trame urbaine du faubourg, il faut le bonifier pour le rendre acceptable socialement. Comme on le sait, la négociation n’a pas porté fruit sur la hauteur. Toutefois, plusieurs améliorations ont été apportées au projet initial. Voici les principales : • Mixité sociale Pour contrer l’effet d’embourgeoisement inhérent à un projet de condos, le Compop a demandé une coopérative d’habitation. Le pourcentage de logements sociaux négocié est sensiblement le même que dans le reste du quartier. Comme il est impossible d’inscrire la coopérative dans le zonage, une entente à valeur légale (un contrat) a été signée avec le promoteur. • Îlots de chaleur Actuellement, le stationnement à ciel ouvert contribue au phénomène des îlots de chaleur. Aussi, pour respecter la trame urbaine, le projet ne comprend pas réellement de retrait alors que la nouvelle norme recherchée est de 20 % d’espace vert pour combattre les dit îlots. Pour contourner le problème, le Compop a négocié un toit végétalisé (à ne pas confondre avec une terrasse, laquelle serait d’ordre esthétique) sur la coop aux frais du promoteur. Cet espace vert équivaut à 23 % de la surface du terrain. À cela s’ajoute un mur vert (là où il y a actuellement des « arbres » sauvages). • Stationnement et Communauto Évidemment, même s’il est laid, le stationnement actuel est tout de même fort utile aux résidants et résidantes, notamment les soirs de tempête. Un stationnement souterrain était aussi déjà prévu afin que les nouveaux résidants aient un impact nul sur le problème déjà grave du stationnement dans le quartier. Le Compop a négocié une place pour les résidants des alentours, à savoir un stationnement commercial de 33 cases, avec une entrée distincte. Dans le même ordre d’idée, des places Communauto ont été négociées pour ne pas perdre les places existantes sur le stationnement actuel. • Embellissement du site Afin de rendre l’endroit plus vivant, et pour répondre à un souhait émis par les requérants et requérantes de la coopérative, le Compop a demandé d’intégrer des balcons à la coop. Finalement, cette bonne idée a été aussi reprise pour les condos, ce qui rendra le site plus vivant (et probablement plus coloré en permettant la pose de jardinières). Dans le même ordre d’idées, du mobilier urbain (comme des supports à vélo) a été rajouté sur la rue Saint-Jean. On accuse souvent le Comité populaire d’être radical et intransigeant. Il est clair que le compromis et la négociation ne sont pas inscrits dans notre ADN. Nous avons mené ce dossier de bonne foi en croyant agir pour le bien commun. Reste la maudite hauteur. C’est un compromis que les membres du Comité populaire sont majoritairement prêts à faire dans ce contexte précis. Visiblement, tout le monde ne partage pas cet avis. Dossier complet en ligne. Pour en savoir plus visitez www.compop.net/face_cachee


Pour l’avenir… Prenant acte des arguments voulant que l’inclusion d’une coopérative d’habitation soit un argument fallacieux pour faire avaler le nombre d’étages, l’organisatrice du FRAPRU venue appuyer le Comité populaire à la consultation publique du 15 juin a fait remarquer que ce sont les rapports de force actuels qui mettent les projets de coopérative à la merci du bon vouloir des promoteurs. Si dans ce cas précis la proportion de logements sociaux est de 23 %, il n’en va pas toujours ainsi. À la Cité verte, un « écoquartier » privé en construction dans Saint-Sacrement, on parle de 5 % de coops. Dans le cas du projet de l’Étoile, sur Grande-Allée, on n’a rien prévu du tout et le promoteur a renié sa promesse de créer du logement locatif. La seule façon de se libérer de cette forme de chantage économique serait de doter la Ville d’un règlement forçant l’inclusion de logements sociaux dans tous les projets domiciliaires d’importance et de créer une réserve foncière municipale dédiée au développement social. Un argument similaire a été repris par la conseillère Anne Guérette lors de la séance du conseil d’arrondissement. Il lui a été répondu par la conseillère Geneviève Hamelin que la Ville de Québec avait décidé d’attendre la fin du processus de révision de la loi sur l’aménagement et l’urbanisme au provincial avant de doter ou non la municipalité d’un règlement sur l’inclusion. Tôt ou tard, il faudra en arriver là. == Extrait du numéro d'été 2011 du journal l'Infobourg

Îlot Irving - Compromis ou compromission?