Par Étienne Grandmont L’environnement, en raison de l’urgence de sa protection, a la cote auprès de tout un chacun. Les politiciens, les entreprises, les ONG, tous se font du capital sur son dos. Et ce n’est pas moi qui vais m’en plaindre, du moment que les bras suivent les babines. Malheureusement, si personne à la Ville de Québec ne semble être contre la vertu, il apparaît que cette vertu soit réservée à certaines catégories de personnes «méritantes». En effet, la Ville de Québec a récemment investi plusieurs centaines de milliers de dollars dans les mesures vertes au cours des dernières années: achat de véhicules hybrides, subventions pour l’achat de compostières privées, toiture végétalisée et système de géothermie à la bibliothèque de Charlesbourg, plan de gestion des matières résiduelles, plan de réduction des gaz à effet de serre, etc. On recommence même à parler du tramway! Où est le problème? Le hic, c’est que l’argent ne semble être au rendez-vous que quand ça rapporte politiquement. Récemment, deux projets de coopératives d’habitation, L’Escalier (construction prévue sur l’îlot Berthelot dans Saint-Jean-Baptiste) et La Baraque (construction prévue sur le site de l’église Notre-Dame-de-Grâce dans le quartier St-Sauveur) se sont faits «revirer de bord» au cours des analyses des plans préliminaires sur la question de l’installation d’un toit vert. Le toit vert est constitué d’une membrane étanche sur laquelle repose un substrat dans lequel pousse de la matière végétale. Outre l’augmentation de l’oxygénation de l’air ambiant, le toit vert permet une meilleure isolation l’hiver et une plus grande fraîcheur l’été, en plus de retenir une partie de l’eau de pluie qui aurait terminé au plus vite sa course dans la Saint-Charles. Les raisons invoquées étaient pour le moins troublantes. On a tout d’abord argumenté que la Ville ne pouvait se permettre de financer des projets pilotes, que leur efficacité n’avait pas encore été prouvée dans notre climat rigoureux et changeant. Or, les toits verts, on en compte déjà plusieurs sur le territoire de la ville, certains lui appartenant en propre, et, à Montréal, certaines coopératives d’habitation ayant opté pour cette technologie en ont prouvé la viabilité. Mais la suite de la discussion a été carrément insultante quand une fonctionnaire s’est permise de rappeler aux représentants-es de L’Escalier et de La Baraque que la Ville n’autoriserait pas ces technologies pour des coopératives, mais qu’il serait envisageable de le permettre pour des condominiums. En clair, les toits verts, c’est trop bien pour des pauvres et «des petits futés» (dixit feue Madame Boucher). Karina Hasburn, présidente de la coopérative d’habitation L’Escalier, fulmine. «On avait même réussi à trouver de l’argent neuf ailleurs, notamment à la Caisse d’économie solidaire de Québec, mais la Ville nous a imposé son veto.» Même son de cloche du côté de La Baraque. Anne-Marie Turmel, présidente du conseil d’administration de la coopérative d’habitation La Baraque au moment de la rencontre avec la Ville, dit avoir été choquée d’entendre les fonctionnaires disqualifier un projet écologique sur une base purement arbitraire et discriminatoire. Vous avez dit paternaliste? À la Ville de Québec, Jean Mathieu, de la division de l’habitation du Service du développement économique, nous assure qu’il est pour le développement durable, mais il rappelle que les budgets accordés pour la construction de nouvelles coopératives d’habitation ne permettent pas l’ajout d’éléments dispendieux. Selon Monsieur Mathieu, même si L’Escalier a réussi à trouver l’argent ailleurs, «le groupe de requérants-es n’a visiblement pas encore une réelle connaissance de la réalité économique et doit refaire ses devoirs». À son avis, les toits verts sont une technologie peu documentée et la Ville veut «éviter que la coopérative ne se retrouve avec des frais d’entretien imprévus». Il confirme finalement que «c’est d’abord le privé, et donc les personnes plus aisées, qui devraient tester à coût élevé ces nouvelles technologies avant de les voir transférées à des projets de logement social». La Ville de Québec a un poids économique et décisionnel considérable dans les projets de logements sociaux. Et comme beaucoup de préjugés semblent encore être véhiculés, de l’information devra être fournie et des pressions devront être faites afin de permettre aux groupes de requérants-es imaginatifs-ives de voir leurs projets novateurs, qui profiteraient à tous les résidants-es de la ville, se réaliser. == Extrait du numéro d'octobre 2007 du journal l'Infobourg.

Des toits verts comme des 20 «piastres»