Une cinquantaine de personnes ont assisté le 24 avril 2023 à une présentation de l’étude de préfaisabilité en vue d’assurer la viabilité de l’église Saint-Jean-Baptiste, dans le cadre de l’Assemblée générale annuelle du Conseil de quartier de Saint-Jean-Baptiste. Dans ce dossier, la Ville semble désormais vouloir faire preuve de transparence à toutes les étapes du projet.

Rappelons en premier qu’il ne s’agit pas d’un projet arrêté : l’objectif de l’étude de préfaisabilité vise avant tout à préciser les usages qui peuvent être faits au sein de l’édifice et voir si certains de ces usages peuvent dégager des revenus autonomes. Il s’agit d’une exploration préliminaire de ce qui peut être fait dans l’église, en répondant aux besoins exprimés par la communauté et aux usages permettant de générer des revenus, qui s’appuie sur une analyse de différents projets similaires réalisés au Québec et ailleurs dans le monde ces dernières années. Les possibilités présentées sont presque infinies, au point que chaque usage semble répondre aux besoins des différents milieux qui souhaitent s’approprier ou se réapproprier l’espace. Autant dire que le projet pourrait grandement évoluer d’ici à ce que les premiers travaux soient entrepris, et que le résultat final ne ressemble qu’en partie à ce qui a été présenté.

L’étude de préfaisabilité identifie trois volets complémentaires pour le projet, rebaptisé pour le moment « Carrefour des possibles » :

  • Un volet culturel mettant en valeur la création (par le biais de résidences d’artistes, d’ateliers, d’espaces communs), offrant un lieu de diffusion (des expositions, permanentes et temporaires), un espace de formation et de médiation culturelle et une programmation artistique variée;
  • Un volet communautaire, proposant une salle multifonctionnelle pouvant accueillir jusqu’à 100 personnes, des espaces administratifs pour les organismes communautaires du quartier, des installations pour tenir des marchés extérieurs ou intérieurs, une cuisine communautaire, un jardin communautaire, et une programmation communautaire axée sur le bien-être et la santé;
  • Un volet événementiel, proposant des événements d’envergure, un espace de diffusion de 350 places dans la nef, la mise en valeur de l’orgue Casavant, et une programmation riche visant les touristes et la population locale.

Les plans présentés lors de cette soirée donnent une idée générale de ce que l’on pourrait trouver à chaque niveau de l’église *.

A quoi s’attendre dans les prochains mois ?

Le plan d’affaires (comprendre ici raffiner le projet et établir de manière serrée tous les aspects budgétaires) doit être réalisé. Interrogée quant à la possibilité de rouvrir le sous-sol rapidement pour les organismes communautaires, Mélissa Coulombe-Leduc, conseillère municipale du district Cap-aux-Diamants, a répondu que cela pourrait être envisageable, mais que des travaux importants doivent y être entrepris d’abord, en vue de sécuriser les lieux. Il est fort probable que l’on entende reparler du projet dans les prochains mois, avec une vision plus claire des activités qui pourront y prendre place.

Deux choses sont certaines à ce stade-ci : il y aura une mixité d’usages et le bâtiment abritera des services communautaires. « Le pire qui pourrait arriver, c’est d’avoir trop de succès, un peu comme les croisières », a fait remarquer une citoyenne lors de la soirée, rappelant du même souffle l’importance de réfléchir à cet aspect dès maintenant pour ne pas générer l’hostilité des citoyen·ne·s. Le projet, qui se caractérise pour le moment par la diversité et un grand nombre de possibilités, a fait un petit pas avec l’étude de préfaisabilité. Mais plusieurs aspects devront être rapidement précisés : affiner le projet, faire en sorte qu’il ne cannibalise pas les autres institutions du secteur, qu’il réponde aux besoins d’une diversité de clientèles dans un quartier dense et plus résidentiel qu’il n’y paraît.

Certaines inquiétudes déjà pointées du doigt

Bien que le projet soit à l’étape préliminaire, certaines inquiétudes peuvent déjà être identifiées advenant qu’il voie le jour dans sa forme actuelle. Pensons simplement à la cohabitation entre les personnes fréquentant les services communautaires et les volets se voulant plus lucratifs du Carrefour des possibles : comment s’assurer que toutes les personnes y trouveront réellement leur place et qu’au fil du temps elles ne se voient pas « tassées » parce que considérées comme dérangeantes? Comment affirmer que le volet communautaire conserve sa priorité quand déjà l’entrée lui étant destinée est située à l’arrière de l’édifice sur D’Aiguillon?

De plus, la reconversion de l’église pose également la question de la gentrification. Avec l’arrivée du Carrefour des possibles, il y a de fortes chances que le prix des logements environnants subisse des pressions à la hausse. Dans un contexte où le prix des loyers est déjà exorbitant, il ne faudrait pas ignorer cette problématique et déjà prévoir en amont des mesures qui permettront d’atténuer les impacts pour le faubourg. La question du logement social devient alors des plus viscérales pour le quartier, et ce dès maintenant.

Enfin, compte tenu des frais de rénovation et d’entretien d’un site patrimonial, l’obligation de rentabilité affichée pour les activités du Carrefour, les activités que l’on y retrouvera pourront-elles réellement être mixtes? Si la Ville insiste sur l’abordabilité des services communautaires – ce que l’on peut saluer – qu’en sera-t-il pour les autres services qui seront offerts aux étages supérieurs du bâtiment?

* Il est possible d’en savoir plus en consultant l’article paru sur le Bourdon du Faubourg à ce sujet : https://bourdonmedia.org/2023/04/24/reconversion-de-leglise-saint-jean-b...

 

Reconversion de l'église : vers un Carrefour des possibles ?