Par Andrée O'Neill

Toi et moi, on se connait depuis toujours ou presque. J’admire ton humour, ton autodérision, ton sens de la répartie imparable. Je t’admire aussi pour la générosité formidable dont tu as su faire preuve lors d’événements difficiles que nous avons traversés ensemble. Mais quand je vois avec quelle désinvolture tu peux jeter des locataires à la rue juste pour faire un coup d’argent, je suis vraiment désemparée. Tu me réponds que ce n’est pas grave, que « ce ne sont que des étudiants, y auront pas de misère à se trouver autre chose. Pour qui ils se prennent, à part ça, contester leur éviction! » (En voilà deux qui au moins connaissaient leurs droits…) « Ben non, voyons, y en a plein de logements ailleurs, tiens justement hier j’en ai vu un annoncé à… Et cet autre là que je veux faire partir, il fait un bon salaire, on lui a donné un petit montant et il était bien content. » (En voici un autre, par contre, qui ne les connaissait visiblement pas…) Je comprends que le travail autonome, ça ne donne pas un très gros fonds de retraite, mais t’aurais pas pu trouver quelque chose d’autre que les flips immobiliers pour assurer tes vieux jours? Oui c’est légal ce que tu fais. Si tu sors ces locataires, c’est vraiment pour te loger à leur place. Mais c’est surtout pour revendre au bout d’un très petit bout de temps, genre un an et demi deux ans. Oui, c’est légal ce que tu fais, mais est-ce que c’est moral?

Pourtant tu votes - en tout cas tu prétends voter - pour le plus à gauche des partis de gauche. Tu donnes à Centraide, tu prends toujours bien soin de remettre quelques dollars aux squeegees qui nettoient ton pare-brise. Tu dis que tu ne peux pas écouter le Requiem de — sans verser des larmes. Forcément, on se crêpe un peu le chignon quand je te dis que le logement, ce n’est pas une marchandise, mais un droit fondamental. Tu me demandes de ne pas juger ton mode de vie puisque tu ne juges pas le mien. Qui suis-je, moi la woke indécrottable pour te dicter ta conduite?

En fait je me demande si tu ne fais pas un peu (beaucoup) de dissonance cognitive. Remarque, j’en fais peut-être moi aussi à propos de certains aspects de ma vie.

C’est pourquoi je nous propose un petit ouvrage de croissance personnelle qui, peut-être, amorcera une certaine réflexion. Bonne lecture, si jamais tu veux bien t’en donner la peine.

À toi qui clignotes à gauche et qui tournes à droite