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Par le FRAPRU

C’est sur fond de crise finan­cière et éco­no­mique à l’échelle inter­na­tio­nale que le pre­mier ministre Jean Charest a dé­cidé de re­plonger le Québec dans une nou­velle cam­pagne élec­to­rale.

Les thèmes sociaux risquent d’avoir beaucoup de mal à percer dans cette guerre d’images, à carac­tère éco­no­mique de surcroît. Déjà, lors de la cam­pagne élec­to­rale de mars 2007, le loge­ment et la pau­vreté avaient été presque tota­lement passés sous silence par les trois grands partis. Il faut tout faire pour que ce ne soit pas à nou­veau le cas. Les élec­tions ne doivent pas se ter­miner sans que tous les partis n’aient pris des enga­ge­ments clairs dans ces domaines qui touchent au quoti­dien tant de per­sonnes et de familles au Québec.

On attend des réponses... (photo : Jimena Michea).

Également:

  • Bilan de 19 mois de gouvernement minoritaire
  • Des besoins qui ne peuvent plus être ignorés
  • Un avant-goût de la campagne électorale ?
  • L’itinérance, pas juste un problème de logement...
  • Un plan ambitieux pour le logement social

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BILAN DE 19 MOIS DE GOUVERNEMENT MINORITAIRE

4000 logements sociaux de plus, mais l’avenir demeure incertain

Un appel qui n’a pas obtenu de réponse (photo : Jimena Michea).

En 19 mois de pouvoir, le gouvernement minoritaire de Jean Charest a annoncé le financement de 4000 logements sociaux supplémentaires dans le cadre du programme AccèsLogis. Il n’a cependant pas confirmé le plan d’investissements sur cinq ans réclamé par l’ensemble des intervenants. L’avenir du développement du logement social dépend donc une fois de plus des choix budgétaires qui seront faits à l’occasion du prochain budget du gouvernement québécois, quel qu’il soit.

Deux budgets plus tard

Les deux budgets pré­sentés par la ministre des Finances, Monique Jérôme-Forget, conte­naient chacun des annonces en loge­ment social. Le budget de mai 2007 a tout d’abord jeté une douche d’eau froide en ne con­firmant que 2000 unités en deux ans et en les finançant exclu­sivement avec des fonds fédé­raux pro­venant des 187,4 millions $ qu’Ottawa avait placés en fiducie pour que Québec les utilise à des fins de loge­ment abor­dable. C’était le premier budget depuis dix ans où le gouver­nement qué­bé­cois n’épaulait pas le finan­cement de nouvelles unités en y ajou­tant son propre argent. Celui de mars 2008 a au con­traire été mieux accueilli, puis­qu’il ajoutait immé­dia­tement 2000 loge­ments supplé­mentaires et que ceux-ci étaient entiè­rement finan­cés par le Québec.

Le document du dernier budget expli­quait que c’était « le cin­quième budget consé­cutif à annoncer des inves­tis­sements dans la cons­truction de logements sociaux » et que « le gouver­nement porte ainsi à 24 000 le nombre de nouveaux loge­ments sociaux qui seront cons­truits ».

Cela demande explication. Il est vrai que 24 000 nouveaux logements ont été confirmés au Québec au cours des deux mandats du gouvernement Charest. Cependant, 13 000 de ces logements avaient déjà été annoncés par le gouvernement péquiste de Bernard Landry, dans son budget du 1er novembre 2001. Il faut toutefois accorder au Parti libéral le crédit d’avoir repris cet objectif, d’avoir ajouté les fonds qui manquaient pour que les logements puissent tous se réaliser et d’avoir annoncé 11 000 logements additionnels. Précisons également que sur les 24 000 logements dont parle le gouvernement, 3268 ne peuvent absolument pas être considérés comme des habitations sociales, puisqu’il s’agit d’appartements privés qui ne s’adressent pas du tout à la même population, les loyers pouvant y atteindre et même dépasser les 800 $ par mois.

Il en aurait fallu plus

Malgré ces nuances, il faut admettre que le gouvernement Charest a fait mieux que celui des autres provinces en continuant à financer du logement social, en dépit d’une aide fédérale qui est arrivée au compte-gouttes et qui demeure incertaine, surtout avec la récente réélection du Parti conservateur de Stephen Harper.

Ce n’est cependant pas avec 4000 logements sociaux en deux ans que le gouvernement québécois est beaucoup plus à même de répondre à toute l’ampleur des problèmes de logement et d’itinérance au Québec. Pour ne donner qu’un chiffre, le dernier recensement nous apprend que 448 835 ménages locataires québécois consacrent plus de 30 % de leur revenu au loyer. C’est 112 fois le nombre de logements sociaux annoncés au cours des deux dernières années !

Le gouvernement libéral a aussi déçu, en ne répondant pas affirmativement à la demande de plan sur cinq ans et ne redonnant pas ainsi au logement social un horizon à plus long terme. Il est anormal que des programmes gouvernementaux qui concernent le respect d’un droit aussi fondamental que le logement soient soumis année après année aux humeurs budgétaires du gouvernement.

L’absence de planification sur plusieurs années et l’incertitude qui en résulte nuisent également au développement même du logement social. L’élaboration de projets de coopératives ou d’OSBL en habitation exige une marge de manœuvre permettant de saisir les occasions lorsqu’elles se présentent. De plus, les organismes promoteurs doivent bûcher sur des projets qui exigent temps et énergies, sans même savoir si les budgets nécessaires à leur réalisation seront bel et bien disponibles.

L’inquiétude est donc toujours aussi grande, au moment où nous nous retrouvons en élections générales.

Une bonne et une moins bonne nouvelles

En plus de la réalisation de nouveaux logements sociaux, le gouvernement Charest a annoncé un vaste plan de modernisation des HLM impliquant des investissements de 1,2 milliard $, dont 410,4 millions $ provenant du gouvernement québécois lui-même. Il s’agit d’une nouvelle rassurante pour l’avenir des 65 000 logements HLM et la qualité de vie des locataires qui y demeurent. Encore faudra-t-il que ces ménages aient réellement l’occasion de se prononcer sur les travaux qui seront faits dans le milieu de vie qui est le leur.

Les 39 000 ménages en attente d’un HLM à travers le Québec n’ont cependant pas eu droit à des nouvelles aussi réjouissantes. Le 1er janvier prochain marquera le quinzième anniversaire de la fin du développement de nouveaux HLM et le gouvernement Charest n’a démontré aucune intention de revenir dans ce domaine. Au cours des dernières années, le Parti québécois et l’Action démocratique du Québec n’ont pas non plus affiché une grande ouverture au financement de nouveaux HLM. De ce côté-là, tout reste donc à faire.


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Des besoins qui ne peuvent plus être ignorés

C’est pour remettre l’enjeu du logement à l’agenda que le
FRAPRU a organisé le Camp et la Marche des 4 Sans
à Québec en juin 2008. La Marche a attiré plus
de 1300 personnes (photo : François Roy).

En janvier 2009, le FRAPRU publiera un Dossier noir sur le logement et la pauvreté, le cinquième en une vingtaine d’années, qui fournira un portrait très détaillé de la situation du logement au Québec à partir des données du recensement canadien de 2006. Certains chiffres sont cependant déjà disponibles et ils en disent long sur l’ampleur du problème du logement.

Ainsi, le nombre de ménages locataires consacrant plus que la norme de 30 % de leur revenu au loyer atteint 448 835 au Québec. Il s’agit de 35,6 % de l’ensemble des locataires. De ce nombre, 203 085, comptant pour 16,1 % de l’ensemble, engloutissent plus de la moitié de leur revenu pour le logement. Ce sont des chiffres impressionnants qui proviennent pourtant d’un recensement qui a eu lieu au moment où la croissance économique soutenue vécue depuis le milieu des années 1990 battait encore son plein. Il faut croire que ce ne sont pas tous les ménages qui ont profité de cette croissance et que la situation risque d’être très difficile, compte tenu de la détérioration actuelle de l’économie due à la crise financière internationale.

Il faut dire aussi dire que les hausses de loyer qui ont résulté de la pénurie généralisée de logements locatifs du début des années 2000 ont empêché une amélioration réellement significative du sort des locataires. À l’échelle du Québec, le loyer médian a augmenté de 14,3 % entre les recensements de 2001 et de 2006, la hausse atteignant 16,1 % dans les régions métropolitaines de Montréal et de Gatineau. Le revenu médian, lui, n’a augmenté que de 12,8 % au Québec, la hausse étant de 10,5 % dans la région de Montréal et d’un mince 8,4 % dans celle de Gatineau.

La pénurie continue

Parlant de pénurie de logements locatifs, les autorités politiques et les associations de propriétaires aimeraient bien nous faire croire qu’elle est à toutes fins pratiques terminée ou sur le point de l’être. Or, ce n’est pas ce que démontrent les derniers Rapports sur le logement locatif de la Société canadienne d’hypothèques et de logement.

Alors que le taux de logements inoccupés devrait se situer à 3,0 % pour être considéré comme équilibré, il n’était que de 1,1 % en avril 2008 dans la région métropolitaine de Québec. Dans celle de Trois-Rivières, il était de 1,3 %. À Saguenay qui avait jusque-là été totalement à l’abri de la pénurie, il était descendu à 1,8 %. Dans plusieurs régions, le taux était encore plus effarant. En Abitibi, il oscillait entre 0 % à Val d’Or et 0,9 % à Rouyn-Noranda. C’est ce qui explique que plusieurs dizaines de ménages s’y sont retrouvés sans logis autour du 1er juillet 2008. À Gaspé, le taux de vacance était de 0,2 %, alors qu’il était tout juste de 1,0 % à Rimouski.

Si les logements étaient en général rares presque partout au Québec, ils l’étaient encore plus pour les familles, le taux d’inoccupation des appartements de trois chambres à coucher n’étant que de 0,3 % dans la région métropolitaine de Trois-Rivières, de 0,7 % dans celle de Québec et de 1,3 % dans celles de Montréal, Sherbrooke et Saguenay. Dans des centres urbains de l’Abitibi, de la Gaspésie, des Îles-de-la-Madeleine, du Lac Saint-Jean, de la Beauce, des Laurentides et de la Montérégie, il était carrément de 0 %.

Quant aux logements à plus bas loyer, ils sont beaucoup plus rares que ceux à loyer plus élevés, ce que montre le rapport beaucoup complet que la SCHL a publié en décembre 2007. Pour ne donner qu’un exemple, celui de la région de Montréal, le taux de vacance des logements de deux chambres à coucher y était alors de 1,8 % pour les logements se louant moins de 500 $ par mois, alors qu’il atteignait 4,8 % dans ceux de 900 $ et plus.

Les causes pour non-paiement de loyer continuent à grimper

Dernier indice de la gravité du problème du logement, le nombre de causes soumises à la Régie du logement pour non-paiement ou retard fréquent dans le paiement du loyer a atteint le nombre record de 45 697 en 2007-2008. Il s’agit de 60 % de l’ensemble des causes introduites ou relancées à la Régie. En comparaison, les causes de fixation de loyer comptaient pour moins de 10 %. Voilà qui est révélateur non seulement de l’ampleur du problème du non-paiement et des évictions qui s’en suivent, mais aussi de la faiblesse des contrôles de loyer au Québec.


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Un avant-goût de la campagne électorale ?

Lors du Camp des 4 Sans organisé à Québec du 26 au 28 juin 2008, le FRAPRU a invité les cinq principaux partis politiques à venir présenter leurs positions en matière d’habitation et particulièrement de logement social. La ministre des Affaires municipales et vice-première ministre, Nathalie Normandeau, a décliné l’invitation au nom du gouvernement libéral. L’Action démocratique du Québec a fait de même. La chef du Parti québécois, Pauline Marois, s’est fait remplacer par la députée de Taschereau, Agnès Maltais, qui s’est engagée, au nom de son parti, à ce qu’un éventuel gouvernement péquiste adopte un plan d’investissement de cinq ans dans le programme AccèsLogis. Pour leur part, la porte-parole de Québec solidaire, Françoise David, et le chef du Parti vert du Québec, Guy Rainville, ont pris tous deux l’engagement de financer 50 000 logements sociaux en cinq ans, comme le réclame le FRAPRU.

Faut-il y voir un avant-goût de ce qui se passera en campagne électorale ? Chose certaine, il faut que tous les partis présents formalisent les engagements pris lors du Camp et que ceux-ci se retrouvent dans leur plate-forme officielle respective. Il faut aussi que les deux absents, le Parti libéral du Québec et l’Action démocratique, se compromettent.


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L’itinérance, pas juste un problème de logement... mais toujours un problème de logement

La députée péquiste Agnès Maltais répond aux questions des
campeuses et des campeurs (photo : François Roy).

La Commission parlementaire sur le phénomène de l’itinérance n’aura finalement pas eu le temps de terminer ses auditions avant le déclenchement des élections générales, le 5 novembre. Cette consultation avait été réclamée pendant des mois par le Réseau SOLIDARITÉ Itinérance du Québec (RSIQ) et de nombreux autres organismes dont le FRAPRU. La Commission des Affaires sociales, qui a tout de même entendu des dizaines de témoignages d’organismes, mais aussi de personnes qui ont vécu ou vivent toujours l’itinérance, n’aura pas non plus eu le temps de rédiger son rapport final et de faire part de ses recommandations au gouvernement.

Espérons maintenant que tout ne sera pas à recommencer à zéro et que les parlementaires du Parti libéral, du Parti québécois et de l’Action démocratique du Québec qui ont suivi la Commission pousseront leurs partis respectifs à prendre des engagements électoraux en ce domaine et à s’assurer que des suites y seront données par le prochain gouvernement.

Un problème qui s’aggrave

Un premier constat qui se dégage for­tement des audiences est l’aggra­vation du problème non seule­ment à Mont­réal, comme on pourrait le penser, mais aussi à Québec, à Gati­neau, à Trois-Rivières, à Longueuil, à Sher­brooke, à Sague­nay et dans combien d’autres villes à tra­vers le Québec.

Un second cons­tat est le très large con­sen­sus qui se dégage autour de la néces­sité d’une poli­tique globale en itiné­rance, comme celle que reven­dique le RSIQ.

Le troisième constat est l’importance qu’a prise l’enjeu du logement social dans les mémoires présentés non seulement par les organismes communautaires, mais aussi par des municipalités. Dans son mémoire, la Ville de Québec soulignait le besoin de nouveaux logements sociaux, en rappelant que 1600 ménages y étaient en attente d’un HLM, alors qu’à peine 470 logements se libèrent en moyenne à chaque année à l’Office municipal d’habitation de Québec. Elle ajoutait : « Il ne s’est pas construit de nouveaux HLM à Québec depuis 1995 à cause du désengagement fédéral dans le logement social. Nous souhaiterions que ça change ». La Ville de Montréal, elle, a pour sa part réclamé que le gouvernement du Québec reconduise et assure le « financement stable, adéquat et à long terme » du programme actuel AccèsLogis.

Les personnes seules, les grandes oubliées

Une partie du mémoire que le FRAPRU a présenté en Commission parlementaire, le 30 octobre, portait sur les problèmes particulièrement dramatiques de logement vécus par une large partie des personnes seules qui sont traditionnellement les plus à risque d’itinérance. S’appuyant sur les données du recensement de 2006, le FRAPRU y révélait qu’elles représentent 48,8 % de l’ensemble des ménages locataires du Québec, mais qu’elles comptent pour 72,3 % des ménages consacrant plus de la moitié de leur revenu en loyer.

Le FRAPRU a accusé les gouvernements qui se sont succédé à Québec d’avoir oublié les personnes seules. Il a notamment cité l’exemple du programme d’allocation-logement qui les exclut a priori d’une aide financière si elles ont moins de 55 ans.

Outre la fin de cette exclusion totalement discriminatoire et l’adoption d’une politique globale en itinérance, le FRAPRU a proposé plusieurs mesures dont la reconnaissance explicite du droit au logement dans la Charte québécoise des droits et libertés, le financement à long terme d’un plus grand nombre de logements sociaux, dont une partie avec soutien communautaire, ainsi que la prolongation sur une base permanente des suppléments au loyer d’urgence accordés à des sans-logis depuis 2001.


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Un plan ambitieux
pour le logement social

Lors de la campagne électorale de 2007, le FRAPRU avait
pourchassé les chefs des trois principaux partis pour
tenter d’obtenir des engagements. Ici, Mario Dumont est
interpellé lors d’un passage à Québec. Ce scénario se
répétera-t-il à nouveau ? (photo : Étienne Grandmont)


Comme l’ensemble des regrou­pements nationaux en habi­tation sociale, le FRAPRU réclame l’adop­tion d’un « plan ambi­tieux de relance du loge­ment social et com­mu­nau­taire s’appuyant sur la recon­duc­tion et la boni­fi­cation du pro­gramme Accès­Logis pour au moins cinq ans ». Plusieurs cen­taines d’orga­nismes de toutes sortes et de tous les coins du Québec ont écrit des lettres d’appui à cette demande aussi reprise par l’Union des munici­pa­li­tés du Québec, la Fédé­ration québé­coise des muni­ci­pa­li­tés et plu­sieurs villes. Au début de 2008, elle avait aussi été endossée par une pé­tition de 29 000 noms.

Sur ses propres bases, le FRAPRU demande que ce plan permette le financement de 50 000 unités en cinq ans. Parmi ces logements, 40 000 seraient réalisés dans AccèsLogis, la moitié pour des coopératives et des OSBL d’habitation et l’autre moitié pour des logements publics réservés aux Offices municipaux d’habitation et accessibles aux ménages se trouvant sur les listes d’attente pour un HLM. Les 10 000 autres logements permettraient la mise en place d’un nouveau programme d’acquisition d’immeubles à logements et de maisons de chambres en vue de leur transformation en logement social.

C’est sur ces demandes que les partis politiques en lice aux élections du 8 décembre seront invités à se prononcer au cours des prochaines semaines.

Élections générales au Québec