Par Nicolas Lefebvre Legault Depuis un an, les groupes communautaires passent pour des hurluberlus parce qu’ils continuent d’appuyer frénétiquement sur le bouton panique de la «crise du logement». Jusqu’à la dernière minute, les médias et les autorités politiques ont choisi de regarder ailleurs en répétant sans arrêt que «jusqu’ici tout va bien». Or, comme chacun sait, «ce qui compte, ce n’est pas la chute, c’est l’atterrissage»… Et, comme il était prévisible, une vingtaine de familles de Québec se sont écrasées au sol parce qu’on avait omis de tendre un filet de sécurité pour amortir leur chute. La chute La crise du logement est omniprésente dans la région de Québec. On y est tellement habitué qu’on ne la voit plus. Pourtant, elle est toujours là. Les chiffres sont têtus et ceux de la SCHL, publiés au printemps dernier, indiquent que, loin de s’améliorer, la situation s’est détériorée à Québec. Le taux d’inoccupation est passé de 1,4% l’automne dernier à 0,9% ce printemps alors que, comme on commence à le savoir, l’équilibre devrait se situer autour de 3%. Dans ce contexte, il était écrit dans le ciel qu’il y aurait des perdants-es lors du grand jeu de la chaise musicale du premier juillet. Ce qui devait arriver arriva. En effet, 21 ménages -dont plusieurs familles- sont allés cogner aux portes des groupes communautaires les semaines précédant le jour J du grand déménagement. Une cinquantaine d’hommes, de femmes et d’enfants qui risquaient fort de se retrouver à la rue. La différence fondamentale avec les années passées? Dans la Ville de Mme Boucher, il est presque impossible d’émouvoir qui que ce soit avec leur cas. «Arrangez-vous avec vos petits», semble être la réponse globale de tout un chacun. Au mieux certaines radios proposent-elles de lancer des «appels à la population» pour repérer des logements libres. Certains-es vont même jusqu’à murmurer que, dans le fond, si des pauvres et des gens qui n’ont pas toute leur tête se mettent dans le trouble, c’est quand même pas la faute du gouvernement… Ponce Pilate «Le gouvernement du Québec s’en lave les mains», s’insurge Véronique Laflamme, porte-parole pour la région de Québec du FRAPRU en cette période de crise du logement. La ministre Nathalie Normandeau a attendu à la toute dernière minute -le 27 juin!- avant d’annoncer des mesures dans l’espoir qu’un maximum de ménages règlent leur problème tous seuls. «On repousse dans le privé un problème de société, pense la porte-parole du FRAPRU. Le gouvernement espère que les ménages se louent un logement inadéquat, un taudis ou quelque chose de trop petit, trop cher, n’importe quoi pour ne pas être à la rue… bref, on veut éviter d’avoir des sans-logis, quitte à grossir le nombre de mal-logés-es.» Ce qui est vraisemblablement arrivé. La Ville de Québec, de son côté, prétend qu’organiser des mesures d’urgence n’est pas dans son mandat. Certains responsables osent même dire que ce n’est pas tant la crise du logement qui est en cause que des problèmes de pauvreté et de santé mentale. Selon la militante, les autorités tentent de marginaliser les personnes qui sont à risque de devenir sans-logis. «Il y a toute sorte de monde dans les ménages qui ont contacté les groupes communautaires: des familles et des personnes seules, des «de souche» et des immigrants-es, des salariés-es et des personnes assistées sociales, bref, c’est un problème généralisé, précise Mme Laflamme. La Ville de Québec est dans le champ quand elle prétend que c’est une question relevant des groupes communautaires ou de la santé et des services sociaux.» À part renvoyer publiquement la balle au gouvernement, la Ville de Québec n’a fait aucune représentation pour que l’État intervienne (alors que d’autres l’ont fait). Passer à autre chose La société québécoise a une capacité d’indignation à géométrie variable. Il y a cinq ans, que des familles entières risquent de se retrouver à la rue à cause de la pénurie de logements était intolérable. Les médias ne parlaient que de ça et l’État organisait des mesures d’urgence et accélérait son programme de construction de logements sociaux. Cet été, cinquante personnes risquaient de se retrouver à la rue et presque personne n’a rien fait. La seule mesure annoncée est une aide financière ne s’adressant qu’aux familles les plus pauvres constituant un «cas humanitaire». Pour les autres, rien. Ni hébergement, ni entreposage, ni aide à la recherche de logement. Devant le ridicule de la situation, 1 seul ménage de Québec se qualifiait, la ministre a revu ses critères. Trop peu, trop tard... L’intervention gouvernementale a permis d’éviter le pire depuis cinq ans mais le problème n’est pas réglé. Loin de là. Au Québec, plus de 200 000 ménages consacrent plus de la moitié de leurs revenus à se loger. Pour faire face à la musique, il faudrait doubler le nombre de logements sociaux. Pourtant, les autorités sont passées à autre chose et ralentissent la cadence. Lorsque les lettres, les appels et les représentations polies ne donnent plus de résultats, il ne faut pas se surprendre de ce que le mouvement pour le droit au logement passe lui aussi à «autre chose» (voir texte ci-contre)… == Extrait du numéro de juillet 2007 de l'Infobourg

Logement: la chute