Par Fabien Abitbol Comme prévu, l’église Saint-Jean Baptiste a fermé ses portes le dimanche 24 mai, à l’issu de la messe de la Pentecôte, et ses cloches n’ont plus résonné depuis ce jour-là en fin d’après-midi. Jusqu’à la fermeture, diverses initiatives ont été lancées, mais sans être coordonnées entre elles. Une consultation a aussi été ouverte sur Internet. Elle est toujours en cours. Le 5 mai, le père Gingras et des représentants de la fabrique officialisaient le 24 mai comme date de fermeture. Cela se passait dans l’édifice, à l’occasion d’un point de presse pour lequel nous avions été prévenus quelque peu à la hâte, et ce alors qu’une banderole d’appel aux dons des paroissiens venait d’être déployée côté rue Saint-Jean. L’abbé espérait que des bénévoles (et particulièrement le comité Ekklesia) allaient trouver une solution pour rouvrir dans quelques mois ou quelques années, et ajoutait qu’aucun mécène ne s’était présenté à lui. Indiquant que le caractère sacré de l’église demeurait, il précisait qu’une grande partie des archives avait déjà été déménagée à l’église Saints-Martyrs-Canadiens. Durant toute sa période de fermeture, l’église devra être entretenue a minima, à savoir par le chauffage juste pour éviter la dégradation, l’assurance, et la surveillance de l’édifice. Un coût estimé entre 50 000 et 60 000 $ annuels, contre 170 000 $ pour le fonctionnement cultuel et communautaire de ces dernières années. On apprenait à cette occasion que les travaux majeurs qui doivent être effectués et qui sont estimés à dix millions de dollars doivent impérativement être réalisés avant 2025, sous peine de voir le bâtiment, trop dégradé, coûter encore plus cher à rénover. Depuis cette annonce du 5 mai, et jusqu’à la fermeture de l’église, le sous-sol a été utilisé au moins à trois reprises, en sus de son usage régulier. Les 9 et 10 mai se tenait le Salon Nouveau Genre, avec ses artistes et artisan-e-s venus de tout le Québec, comme pour les précédentes éditions. Le 12 mai, le conseil de quartier y tenait une période publique d’échanges sur les bacs de plantation de La Tourelle, suivie d’une assemblée du conseil d’administration. Enfin, les 16 et 17 mai, c’était la dernière kermesse. Sur un soir et quatre journées, en moins de trois semaines, le sous-sol a donc accueilli des événements communautaires. Preuve, s’il en était besoin, de l’utilité de l’édifice. Diverses consultations Le 18 mai, le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste (ComPop) organisait au Centre culture et environnement Frédéric Back un tour de table. Tout le monde s’entendait sur un point : il faut trouver une solution pour sauver l’église, pour le patrimoine qu’elle représente et pour son utilité communautaire. Sur une soixantaine de participant-e-s, quelques-uns estimaient qu’il faut également conserver le caractère religieux de l’édifice. Pour résumer cette soirée riche en échanges, affirmons que l’église peut revêtre plusieurs fonctions et être la propriété de tout le monde. Parmi les pistes évoquées, des bureaux pour l’État (ce qui permettrait un financement aux frais de Québec), des salles de répétition (à condition de faire des travaux d’isolation phonique), ou encore une vocation régionale pour l’édifice, au-delà du quartier, afin de revitaliser Saint-Jean Baptiste. Une citoyenne, émue de la fermeture de l’église, disait que la France entretenait ses églises. En fait, depuis la loi de 1905 sur la séparation de l’Église et de l’État, seuls les bâtiments d’intérêt patrimonial peuvent être entretenus avec des fonds publics : on en compte environ 25 000, selon le ministère français de la Culture. Mais autant le ministère de la Culture que l’Observatoire du Patrimoine religieux (organisme indépendant et non confessionnel) s’entendent pour dire qu’il existe en France un peu plus de 46 000 édifices catholiques en 2015, alors que moins de 10 000 connaissent une activité cultuelle. Au moins 24 églises ont purement et simplement été démolies ces dernières années et 306 sont menacées au recensement 2015, selon Benoit de Sagazan, journaliste qui anime un blogue sur le patrimoine, hébergé par l’hebdomadaire chrétien français Pèlerin. À l’issue du tour de table du ComPop, Marc Jeanotte, du site internet votepour.ca, annonça le lancement officiel pour le lendemain d’une plateforme de consultation à l’adresse suivante : www.votepour.ca/eglise. Le site, mis en service l’avant-veille sans que la publicité en soit faite, avait alors recueilli une soixantaine de réponses (un demi-millier après deux semaines d’ouverture et une dizaine de jours de promotion). Lancé à l’initiative du conseil de quartier, il a pour principaux partenaires la députée fédérale Annick Papillon, la députée de Taschereau Agnès Maltais, la Fondation Héritage Québec, le Projet Ekklesia-espace solidaire, et la Caisse Desjardins de Québec. « La force de la mobilisation va imposer des actions », déclarait la conseillère Anne Guerette à L’Infobourg à l’issue de cette réunion. Mme Guerette, qui avait assisté au tour de table organisé par le ComPop, était « assez enthousiaste » et estimait que ce début de mobilisation montrait que l’avenir de l’église est « un enjeu important ». Concernant un potentiel rôle de la Ville de Québec dans la réouverture de l’édifice, la conseillère du district Cap-aux-Diamants devait souligner que, entre les dons et les subventions, il y a « beaucoup d’argent » distribué par la Ville, que ce soit dans une ligne budgétaire de tourisme, de vie communautaire ou de culture et loisirs. Du reste, intervenant le lendemain en clôture du conseil de ville, Mme Guerette a interpellé les élus, les a incités à se rendre à la messe de Pentecôte, et a fait distribuer des cartes de votepour.ca à ses collègues de la majorité municipale. En réponse, la vice-présidente de l’exécutif, Mme Julie Lemieux, a indiqué qu’il était envisageable de restaurer l’église à moindres frais en développant une idée de chantier d’apprentissage sur laquelle planche depuis des années la Fondation Saint-Roch, et se montrait plutôt favorable à ce que Saint-Jean Baptiste retrouve un jour sa vocation cultuelle. Quelques jours plus tard, le samedi 23 mai, une riveraine de l’église, Marie-Hélène Maltais, organisait au sein même de l’église un petit tour de table réunissant de dix à quinze personnes (certaines étant parties avant la fin, d’autres arrivées en cours de route). Parmi les diverses solutions envisagées, restreindre le culte à environ un tiers de la superficie de l’église, et louer le reste pour des événements ou des bureaux, afin de pouvoir payer au moins le chauffage. Comme le faisait remarquer un participant : « Pour la plupart, nous ne sommes pas des pratiquants, pas comme il y a deux ou trois générations, mais on ne peut pas imposer notre idéologie agnostique. » Dans une déclaration à la presse parlementaire le 6 mai, la ministre de la Culture Hélène David indiquait que ses services étaient « toujours en attente d’un projet » et rappelait que le Conseil du patrimoine religieux « peut aider jusqu’à hauteur de 80 % des modifications qui seraient à faire ». === Extrait du numéro de juin 2015 du journal l'Infobourg

Église fermée - Et maintenant, on fait quoi ?