L’image d’un quartier embourgeoisé où il n’y a ni pauvreté, ni problème de logement en prend pour son rhume.  C’est ce que révèlent les données du Dossier noir sur le logement et la pauvreté rendu public par le FRAPRU à la fin de septembre.

Par Nicolas Lefebvre Legault

Tout changer pour que rien ne change

Saint-Jean-Baptiste change, c’est évident, mais il change en même temps et au même rythme que Québec. En fait, le quartier semble garder, à peu de choses près, la même position sociale et économique qu’il a toujours eue par rapport au reste de la ville. En gros, le faubourg demeure un quartier de locataires un peu plus pauvres que la moyenne et qui paient des loyers un peu trop cher.

Selon les données du Dossier noir, qui utilise les chiffres de l’Enquête nationale auprès des ménages menée par Statistique Canada, le revenu médian des ménages du quartier est inférieur de près de 2 000 $ à celui du reste de la ville. Loin de se rétrécir, l’écart se creuse depuis 10 ans. En parallèle, les loyers ont augmenté un peu moins vite dans le quartier qu’ailleurs à Québec, ce qui fait que le loyer médian du reste de la ville nous a rattrapé. Seul signe statistique clair d’embourgeoisement : le pourcentage de locataires continue de baisser (on est passé de 84 % à 75 % en dix ans).

Des problèmes de logement

Dans le quartier comme ailleurs, la croissance économique a eu un impact sur les problèmes de logement, lesquels sont en baisse d’à peu près 15 % par rapport à il y a 5 ans. Toutefois, cela ne veut pas dire que les problèmes ont disparu, loin de là.

Forcément, comme les locataires du quartier sont plus pauvres que la moyenne mais qu’ils et elles paient le même loyer que les autres, les problèmes de logement sont plus aigus dans le quartier que dans le reste de la ville. Un exemple parmi d’autres : le pourcentage de ménages consacrant plus de 50 % de leur revenu en loyer dans Saint-Jean-Baptiste est de 21 % alors qu’il est de 16 % dans le reste de la ville. Techniquement, il y a 1 865 ménages dans le quartier qui ont ce que le gouvernement fédéral appelle « un besoin impérieux de logement » (c’est-à-dire qui consacrent plus de 30 % de leurs revenus au loyer).

En procédant à une analyse plus fine des données, on découvre, malheureusement sans surprise, que les problèmes de logement touchent plus durement les femmes que les hommes. Il faut dire que le revenu médian des femmes locataires dans le quartier est inférieur de 4 187 $ à celui des hommes locataires, mais que leur loyer médian est plus élevé de 44 $ par mois. Paradoxalement,  comme les locataires du quartier sont plus pauvres que la moyenne, les écarts de revenu entre les hommes et les femmes tendent à y être moins important qu’ailleurs (cet écart de revenu est de 7 600$ dans le reste de la ville).

De tous les types de ménages, ce sont les personnes seules qui ont le plus de problèmes de logement dans le quartier (45 % d’entre elles paient trop cher). Un plus grand pourcentage de familles monoparentales a aussi des problèmes de logement (36 % paient trop cher). Enfin, les jeunes et les personnes âgées semblent avoir des conditions particulièrement difficiles (51 % des moins de 24 ans et 70 % des plus de 75 ans paient trop cher).

Encore besoin de logement social

Les chiffres du Dossier noir sur le logement et la pauvreté montrent que si la situation s’est légèrement améliorée dans le quartier, elle demeure critique pour de trop nombreux ménages. Bien qu’il y ait 100 ménages de moins qu’il y a cinq ans qui consacrent 80 % de leurs revenus à se loger, il faut quand même faire quelque chose pour les 425 autres dont c’est encore le cas.

Saint-Jean-Baptiste, comme Québec, a encore besoin de logement social. À ce sujet, le FRAPRU s’inquiétait récemment en conférence de presse de l’examen des dépenses auquel se livre présentement le gouvernement Couillard. Selon le regroupement, il ne saurait être question de couper dans le logement social ou dans les autres programmes de lutte à la pauvreté alors que les besoins sont aussi flagrants. Le FRAPRU estime que l’ampleur du problème nécessite le financement de 50 000 nouveaux logements sociaux en cinq ans au Québec, dont 4 000 qui pourraient se réaliser dans la ville de Québec, ce que partage totalement le Comité populaire Saint-Jean-Baptiste.

On peut consulter le Dossier noir logement et pauvreté au Québec sur le site web du FRAPRU à www.frapru.qc.ca

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Extrait du numéro d'automne 2014 du journal l'Infobourg

L’envers du décor - Logement et pauvreté dans le faubourg