Certaines personnes et certaines institutions voudraient faire croire que le style « agressif » du Comité populaire Saint-Jean-Baptiste et des autres groupes de défense de droits est déplacé, inutile, voire qu’il nuit « à la cause ». Notre rôle se rapprocherait de celui du chien dans un jeu de quilles. À les entendre, leur concertation, leur lobbying, leur discussions de corridors seraient à l’origine de toutes les avancées, de toutes les victoires. Permettez-nous d’en douter. Par Nicolas Lefebvre Legault Plusieurs intervenant-e-s du mouvement coopératif attribuent à leurs seuls efforts la construction de coopératives d’habitation à Québec en général, et dans Saint-Jean-Baptiste en particulier. Nous ne nions pas le travail important des groupes de ressources techniques (GRT) et des fédérations de coopératives dans la livraison de logements sociaux, au contraire, leur expertise technique et leurs contacts politiques sont essentiels1. Mais s’il est bien de connaître les programmes gouvernementaux, force est d’admettre que sans programmes de création de logement social, toute l’expertise technique du monde ne servirait à rien. Or, à quoi doit-on les programmes de logements sociaux Accès-Logis et Logement-Abordable? Essentiellement aux luttes politiques faites par le FRAPRU et ses groupes membres (dont le Comité populaire, faut-il le rappeler). Si le Comité populaire et les autres groupes de défense de droits ne s’étaient pas mobilisés massivement depuis 10 ans, le Québec n’aurait rien à envier au reste du Canada où il ne se construit plus de logements sociaux du tout. Ce qui est vrai au provincial l’est également au municipal. Le lobbying, comme jouer « dans les règles », ça fonctionne tant que le pouvoir le veut bien, mais lorsque se dressent des obstacles, c’est une autre paire de manches. Les cas de l’îlot Berthelot et de l’ex-presbytère Saint-Jean-Baptiste illustrent bien cette idée. Des groupes, la Fédération régionale des coopératives d’habitation de Québec (FECHAQ) et Action-Habitation respectivement, veulent s’attribuer le mérite des logements sociaux créés à l’îlot et à l’ex-presbytère parce qu'ils ont présidé à leur réalisation technique. C’est une vision très réduite que celle-là. En effet, dans les deux cas, si le Comité populaire n’avait pas élu domicile sur place pendant de nombreuses années2 et n’avait pas fait de l’avenir de ces lieux un enjeu politique majeur pour le quartier, est-ce qu’on y verrait aujourd’hui du logement social? Pas sûr. Des hôtels? Probablement. La morale de la FECHAQ Les derniers mois ont été témoins d’une lutte acharnée des groupes de défense de droits et d’une poignée de militant-e-s tenaces – les occupant-e-s du 920 de la Chevrotière – pour faire aboutir un ensemble de revendications locales et provinciales. Or, alors que la lutte n’était pas encore terminée, la direction de la FECHAQ s’est sentie le besoin de faire publiquement la morale aux occupant-e-s du 920 de la Chevrotière et aux groupes qui les appuyaient. C’est que derrière le dos de tout le monde, cet organisme avait négocié avec la Ville et un promoteur immobilier un compromis et espérait maintenant tirer ses marrons du feu. Donc, alors qu’elle n’avait jamais participé à la lutte ni de près ni de loin et qu’elle ne l’avait jamais appuyée formellement (soit-disant parce que l’action était illégale), la direction de la FECHAQ s’est cru en droit de décider à la place des principaux intéressés qu’il y avait eu dérive et qu’il était temps de mettre fin à l’occupation. Aujourd’hui, la FECHAQ prétend être le seul intervenant à avoir eu un comportement responsable, pragmatique, et qu’on lui doit tous les gains faits à l’îlot Berthelot cet été. Mais elle aurait pu agir autrement, par exemple en refusant tout simplement d’intervenir et en forçant la Ville à un règlement politique. Le zonage du site de l’îlot Berthelot y rendait « impossible » la construction de coopératives uniquement. Telle fut du moins la raison officielle invoquée par la Ville. Or, un règlement de zonage, ça se change, la FECHAQ le sait bien, et à la limite de l’argent, ça se trouve. Avant le 17 mai, les fonctionnaires de la Ville de Québec ne voulaient rien savoir de nouvelles coopératives sur le site et Claude Larose ne retournait plus depuis huit mois les appels du président de la coopérative de l’îlot Berthelot. C’est l’occupation du 920 de la Chevrotière qui a fait débloquer les choses et permis des gains. Et il aurait été possible d’aller chercher beaucoup plus. La preuve, c’est que ce n’est qu’au mois d’août, après que les actions entourant le 1er juillet eurent fait augmenter la pression encore plus, que la Ville a cédé à la demande d’un moratoire sur la conversion de logements locatifs en condominiums. La direction de la FECHAQ a volontairement saboté la lutte des occupant-e-s du 920 de la Chevrotière en les dénonçant et en véhiculant des mensonges grossiers – « Les squatters ne veulent plus de logement social », affirmait-elle par exemple – sur la place publique. Et ça, c’est difficilement pardonnable. Notes 1. Tout le monde n’a pas la «chance», comme Christian Simard, d'être l'organisateur politique du responsable à l’habitation de la Ville de Québec. 2. Le Comité populaire a eu ses locaux au 910, de la Chevrotière de 1991 à 1998, et au presbytère de l’église Saint-Jean-Baptiste de 1998 à 2002. Il faut vraiment être de mauvaise foi pour ne voir là que le fruit du hasard. == Extrait du numéro de novembre 2002, Journal l'Infobourg.

Éditorial : Les points sur les « i » : Même en 2002, seule la lutte paie!